En 1913, la première de l’opéra Victoire sur le Soleil à Saint-Pétersbourg annonçait la naissance du théâtre futuriste russe. Pour ses créateurs, cette œuvre radicale représente le triomphe d’une nouvelle esthétique sur des traditions artistiques obsolètes, de la technologie et de la science sur la nature, et de l’idéal utopique de créer un monde nouveau. Le futurisme, qui est né en Italie et a pris une direction idéologique particulière en Russie, a mis l’accent sur la vitesse, l’énergie et la puissance de la machine afin de répondre aux changements perpétuels de la vie moderne.

Victoire sur le Soleil combine un livret d’Aleksei Kroutchenykh, écrit dans une pseudo-langue appelée zaum (“poésie irrationnelle”), avec une musique dissonante composée par Mikhail Matiouchine. Kazimir Malevitch a conçu les costumes et créé un décor géométrique et abstrait. Dans les premières scènes, le Soleil, représentant le passé décadent, est arraché du ciel, enfermé dans une boîte en béton, et enterré par des “les hommes forts du Futur”. Pour la scène 5 du 2e acte – Malevitch a imaginé un rideau avec le contour d’un carré. Plus tard, il vit dans cette image le premier signe de son carré noir, apparu à part entière en 1915, et du Suprématisme.