David Selor

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Univers de contes sur parpaings abandonnés

Ceci est une introduction : saint oma street art.

“Les parpaings sont des aubaines : il s’agit de supports qui ne sont pas pérennes mais destinés à être détruits. Tout le monde les trouve laids et personne ne voit donc d’inconvénient majeur à ce que je les repeigne.”

parcours

Comment as-tu commencé à créer dans la rue ?

J’ai commencé en faisant du Graffiti, même si au fond cela a toujours été une forme de dessin. Je suis passé du bout de papier à l’ajout de couches de couleurs, pour passer progressivement à des peintures de plus en plus élaborées. Je ne sais pas s’il s’agissait véritablement de « création » au sens artistique sinon d’une pratique complètement désintéressée. La rue est donc apparue très rapidement, mais sans stress particulier, car je ne peins que sur des maisons abandonnées et non sur les beaux murs du centre-ville.

selor art
Ton personnage naît après une réaction très violente que tu entends dans un établissement pour personnes autistes. Penses-tu qu’il s’agisse d’une création en résonnance ?

C’est vrai qu’il s’agissait d’un contexte violent, même s’il est difficile de l’appréhender sans le connaître, or je ne suis pas éducateur spécialisé. Il y avait dans ce centre très peu de personnes autistes avec lesquelles il était possible de communiquer. C’est pour cette raison que mon personnage n’a pas de bouche, car là-bas les gens ne communiquaient pas par le verbe. De fait il ne parle pas mais écrit. J’avais déjà eu un atelier à Cognac avant d’intégrer les Beaux-Arts, et quand j’y suis entré, principalement pour pouvoir utiliser l’atelier, je n’ai pas voulu changer de personnage, même si les professeurs m’interrogeaient toujours à ce sujet.

Le mimil

Le Mimil est un personnage qui semble particulièrement accessible aux enfants.

Gosse, il y avait un graffeur, SERON, qui était venu tagguer mon école primaire : le lendemain la plus grande partie avait été effacée, mais un graffiti avec la tête d’un personnage était resté. J’avais été choqué de ne pas comprendre quand cela avait été réalisé, mais j’étais content que l’école le garde même si je ne parvenais pas à lire le graffiti. Je me suis tout de suite dit que je voudrais faire ça plus tard et c’est cela qui m’a amené au Graffiti et au Street art. Les enfants sont très bon public, tant mieux si un personnage apaisant leur plaît.

selor street art
Bordeaux
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Nantes
Pourquoi avoir choisi de représenter un seul personnage ?

Je voulais pouvoir véhiculer des idées sans écrire toujours mon nom. Avant d’aboutir au Mimil j’ai testé des choses complètement différentes, mais c’est ce personnage par lequel j’arrivais le plus facilement à m’exprimer. Comme il a une tête animale et un corps d’homme, je peux lui faire adopter des postures humaines qui renvient à des situations sociales. Il est devenu une sorte de signature mais pendant longtemps j’ai peint des toiles sans l’y intégrer. Aujourd’hui, c’est grâce à lui qu’on m’appelle et j’ai l’impression de ne pas avoir exploité tout ce que je pouvais faire avec. J’ai aussi la chance qu’il me permette de toucher des personnes non-initiées à l’Art. Le retour des gens est parfois direct, même si je reçois plutôt des commentaires sur Internet. C’est sympa de penser qu’il y aura une vie après la peinture, car en général elles ne restent pas, étant détruites, vandalisées ou repeintes.

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Il y a dans ton travail un imaginaire très doux, qui se rapproche du conte et se découvre comme une parenthèse.

J’aime bien le mot parenthèse, mais je n’essaie pas plus que cela d’avoir une atmosphère poétique ou onirique, je suis seulement mes envies. Ma démarche est libre, non rémunérée, et principalement portée par le fait de poser ces textes dans la rue. La plupart du temps ils possèdent une double, voire une triple lecture : chacun les interprète avec ce qu’il est. On y voit souvent d’ailleurs un message positif sans que ce soit forcément mon point de vue. Les gens dans la rue n’ont pas trop le choix de voir le Mimil, il est imposé mais pas malveillant.

associer l'image au texte

Tu associes dans ton travail le texte au dessin ; le texte intervient-il en premier ?

Cela évolue au fil du temps mais à l’origine je voulais vraiment faire passer des messages ; or, si je n’avais peint que des textes cela se serait apparenté à du tag et j’aurais alors pris le risque de recevoir des amendes. Le fait d’avoir un visuel sympathique permet de remédier à cela. Plus le temps passe et plus j’accorde de l’importance au dessin, dans l’optique de progresser sur le plan visuel. Pour le texte je m’inspire souvent de ce que les gens vont me dire lorsque je les croise dans le quartier ou que je leur pose des questions, en notant les idées qui me viennent alors sur mon téléphone. Quand je peins je n’ai plus qu’à piocher dans cette base. Dans tous les cas, je ne rédige pas de phrases trop longues, pour qu’elles contiennent moins de fautes d’une part, qu’elles tiennent en maximum trois lignes de l’autre. Pour la typographie, j’essaie avant tout de faire en sorte qu’elle soit lisible : j’en ai une en majuscule, assez fine et longue, ainsi qu’une autre qui est comme une écriture d’enfant attachée.

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Salles ©Fersen Sherkann
Paris
Comment appréhendes-tu la peinture ? Quel travail particulier réalises-tu sur les fonds ?

La ligne est très importante : mon trait ne relève pas du tout du Graffiti mais plutôt de l’illustration à travers la conservation de cette bordure noire. Sans eux, le résultat aurait davantage l’apparence d’une peinture que d’un dessin, même si je préférerais parfois aller plus vers l’abstraction. Travailler le fond offre déjà une surface plus adaptée au spray, car la brique boit beaucoup d’encre. Cela permet ensuite d’obtenir une sorte de page vierge, tout en nettoyant le support et en ajoutant de la couleur, ce qui est plus agréable qu’une base grise ou marron. Ils étaient d’abord de couleur unie, mais progressivement j’y incruste des détails : auparavant je ne prenais pas ce temps-là car je pensais qu’il fallait y faire particulièrement attention. J’aime peindre de façon naïve, même si je m’adapte beaucoup au moment. Ce sont des choses que je vais perdre petit à petit en acquérant de nouvelles techniques, car n’étant pas naturellement un fin dessinateur, je travaille beaucoup, notamment pour étudier les perspectives.

DES PARPAINGS ABANDONNES

Pourquoi choisir de peindre sur des parpaings de maisons abandonnées ?

Les parpaings sont des aubaines : il s’agit de supports qui ne sont pas pérennes mais destinés à être détruits. Tout le monde les trouve laids et personne ne voit donc d’inconvénient majeur à ce que je les repeigne. Cela me permet également de pouvoir prendre plus de temps pour réaliser mes peintures. Peindre dans la rue offre une folle sensation de liberté : mon objectif est d’offrir une pièce de qualité aux gens et je suis très content quand une œuvre parvient à établir une connexion.

Quel est ton rapport à l’éphémère alors que tu choisis comme support des bâtiments devant être détruits ?

Nous sommes tous éphémères et même si au début il peut être frustrant de penser que l’œuvre disparaitra aussi vite, car ce sont des heures de travail, on réalise bientôt que le Street art est un art bien fragile, pouvant difficilement se conserver en musée car il est propre aux murs. Au bout d’un moment la peinture finira par tomber, comme les tableaux finissent par disparaitre bien qu’ils durent plus longtemps. Mais dans deux cents ans je sais que tout cela sera oublié.

selor street art
selor street art
Orléans
Pourquoi la rue est un espace de création particulier ?

C’est grisant de pouvoir peindre de grands formats, de jouer avec l’architecture et la peinture en fonction des supports et des reliefs. La rue offre aussi des ambiances et je trouve inspirant de peindre dans des villes dont se dégagent une atmosphère particulière. J’ai commencé il y a longtemps et je ne me suis plus arrêté. C’est également un vecteur incroyable pour faire connaître son travail. Les sociétés paient pour avoir des publicités dans la rue, mais nous avons juste à dessiner, ce qui fait parfois des envieux. Cependant, je passe autant de temps en atelier que dans la rue. Je pense que le véritable fil conducteur de mon travail est la peinture, le fait d’aimer mettre de la couleur sur un support, qu’il s’agisse d’une toile ou d’un mur. Quoiqu’il arrive, et même si demain je ne pouvais plus en vivre, je crois que je continuerais de la même manière.

Quel rapport as-tu à la photographie ?

Je n’ai jamais compris pourquoi la Photographie est un art mineur alors qu’on appuie avec le majeur. C’est une spécificité propre au Street art d’être mis en valeur par la photographie même s’il est difficile d’en réussir de bonnes. Je ne suis pas photographe et très souvent je ne capture pas mes œuvres, même si cela m’arrive désormais pour pouvoir les archiver. Néanmoins, la démarche des autres consistant à photographier est importante, car ce sont eux qui le partagent et le diffusent.

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As-tu l’impression de faire partie d’un courant artistique ?

Je pense que le Street art est un courant artistique dont je fais la promotion. Pourtant, c’est un terme assez flou car il regroupe des pratiques très différentes : je me considère par exemple en faire partie sans faire de Tag, de Graffiti ou de Muralisme.

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Photographies:  David Selor

Vous pouvez retrouver David Selor sur Instagram,  Facebook et son site internet.

Entretien enregistré en août 2020.

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