Dark Snooopy

dark snooopy

UN LETTRAGE URBAIN DIFFÉRENT DU GRAFFITI

Ton travail étant essentiellement calligraphique, comment distingues-tu cette forme d’expression du Graffiti tel qu’on l’entend habituellement ?

Dark Snooopy est apparu lorsque j’allais dans des friches avec des potes pour poser mon nom sur les murs, avant de commencer une pratique artistique. J’ajoutais souvent un personnage, ce qui a conduit à ce qu’on m’appelle Snoop, avant que cela devienne progressivement ma signature. Je suis ensuite rentré dans une école de graphisme dans laquelle j’ai passé trois ans, et dans laquelle j’ai pu suivre durant ma deuxième année des cours de calligraphie. A l’aide de plumes, nous écrivions des textes et compositions à partir des alphabets les plus classiques. Cela m’a donné envie de me lâcher, et c’est en arrêtant d’en faire en classe que je me suis mis à approfondir mon étude de la calligraphie, en faisant très régulièrement, parfois pendant des nuits entières avec des marqueurs dans des cahiers.

Pourquoi t’être passionné pour le lettrage ?

Je suis avant tout un fan d’écriture. Quand j’ai commencé à graffer, c’était bien plus pour pouvoir faire des recherches sur les lettres que pour apposer mon blaze. Mon but a toujours été que la lettre soit mise en valeur à travers une dimension esthétique. La calligraphie m’a permis de poursuivre dans cette voie en allant piocher des bribes de formes pour les mélanger et obtenir ma patte. Depuis la nuit des temps l’Homme cherche à s’exprimer d’une multitude de façons, pour au final toujours essayer de dire la même chose. Des milliers de langages se sont ainsi créés pour évoquer les mêmes sentiments. En les rassemblant tous ensemble, je tente d’en faire une sorte de melting-pot qui symbolise ces similarités et témoigne de cette recherche de communication commune. Pourtant, je reste au début de mon parcours et je ne peux pas être certain de toujours vouloir faire de la calligraphie : cela fait trois ans que je peins des Snoopy sur les murs, et six mois que je tente d’intégrer un nouveau personnage.

Qu’évoque pour toi la répétition des formes et leur stylisation ?

J’ai chez moi un mur recouvert de formes que j’ai en tête, pour essayer de tout retranscrire et de les avoir en permanence sous les yeux. Dans ce langage abstrait tout le monde peut lire le mot qu’il souhaite. Je trouve ça cool que les gens en voyant ces signes puissent imaginer que j’ai voulu dire tel ou tel mot. Cette diversité de regards compte dans mon travail.

De plus, je peux pousser la stylisation de ces lettres très loin, car étant abstraites je suis le seul qui peut y mettre une limite. Niels Shoe Meulman est un des artistes à qui l’on doit ça. Si l’art d’écrire est un art qui existe depuis des millions d’années, il a transformé l’écriture pour qu’elle dépasse sa fonction initiale, et a engendré cette vague de calligraphes qui écrivent désormais partout, ayant envie de voir plus loin – et plus grand – que la feuille de papier. Une lettre est un motif fort : plus elle est grande, plus elle va être impressionnante.

une écriture abstraite dans la rue

Que représente pour toi le fait de créer dans la rue ?

Au début j’agissais surtout par curiosité et envie de me lâcher. Mais à force de le faire c’est devenu une drogue et un plaisir de pouvoir le partager avec les gens. La où la nuit t’offre une liberté de création, sans personne pour te dire quoi faire, la journée te permet ce contact qui en vaut la peine. Je crée pour moi, car cela me plaît, mais aussi parce que je trouve intéressant de pouvoir susciter une interaction et une réflexion avec le passant. Codex Urbanus dit : « Si on écrit sur les murs c’est parce qu’on est enfermé entre quatre murs gris et que ça fait chier ». Il y a beaucoup de vrai dans cette phrase, même si tous les artistes ne le voient pas comme ça. Nous vivons dans un monde sacrément glauque, si nous pouvons mettre un peu de vie dedans cela en vaut la peine.

Comment vas-tu délimiter ton propre cadre sur le mur ? Est-ce pour cette raison que tu emploies des motifs géométriques ?

Au début j’avais beaucoup de mal avec ça, ayant un côté très scolaire, cadré et régulé pour que l’ensemble fonctionne, notamment du point de vue de la composition. En effet, une forme fermait le dessin sans laisser d’échappatoire. Partir sur une composition de trois cercles – ou avec des triangles – c’est créer une barrière en sachant qu’elle conviendra. Le travail et la répétition aide à se projeter, à mieux visualiser ce que l’on souhaite faire, et désormais je dessine davantage les formes pour ensuite les compléter et les remplir.

Considères-tu qu’il y a un aspect contextuel dans ton travail ?

Mon travail est tellement abstrait qu’il m’est difficile de dire que je fais quelque chose de contextuel. Néanmoins, je vais quand même essayer de créer en rapport avec le lieu dans lequel je me trouve. Ainsi, j’aime faire en sorte que les teintes que j’utilise évoquent les tons du support qui les entoure, pour que visuellement les gens puissent constater un jeu entre le lieu et l’œuvre. J’utilise aussi des ombrages pour donner une impression de profondeur qui donne une cohérence à l’ensemble, inscrivant l’œuvre dans un lieu en indiquant qu’elle a vécu, vit et vivra encore.

Comment réagis-tu au caractère éphémère de tes créations ?

A partir du moment où l’on met quelque chose dans la rue on accepte que ça ne restera pas à moyen ou long terme. Dès lors, mieux vaut ne pas trop se prendre la tête dessus : une fois que l’œuvre est là, elle est à sa place. Je ne le fais pas pour la postérité, pour pouvoir voir mon travail sur ce mur pendant vingt ans, mais parce que ça m’a plus de le faire, de partager ce moment avec des amis puis, dans un second temps, avec les futurs passants. Pour le reste la vie suit son cours.

recherche et partage

Que vas-tu privilégier parmi tes pistes de recherches : les formes, les couleurs, les techniques ?

J’essaye de tout utiliser pour ne pas rester cantonner à une seule technique. Je peux ainsi dessiner un mur à la craie ou à la bombe. Je fais de nombreux tests pour voir ce qui fonctionne ou pas, qui me permettent d’être suffisamment malléable pour pouvoir m’adapter. Il est aussi possible de réaliser des couches de calligraphie en jouant sur les différentes possibilités offertes par les combinaisons de couleurs.

As-tu l’impression d’appartenir à un courant depuis tes débuts ?

J’ai l’impression d’appartenir à un groupe, que j’engloberais sous l’étiquette Street art. C’est un groupe à part entière, qui génère énormément de choses. J’y ai découvert plein d’amis et c’est une ouverture intéressante sur un univers extrêmement ouvert.

 

Ton travail se prête bien à la collaboration.

Les collaborations permettent d’apprendre beaucoup et de sortir de sa zone de confort. C’est faire se rencontrer deux univers parfois diamétralement opposés. Avec Codex Urbanus cela fonctionne très bien car mon langage abstrait imaginaire se combine bien avec ses animaux fantastiques. Mais c’est aussi le cas avec TocToc et ses Duduss ou d’autres artistes avec lesquels j’ai pu travailler.

Collaboration avec Codex Urbanus
Collaboration avec Toc Toc

Vous pouvez retrouver Dark Snoopy sur Instagram, Facebook, et son site internet.

Entretien enregistré en octobre 2018

Toutes les photographies utlisées appartiennent à l’artiste.

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