lego to the party
La grande aventure des petites figurines
“Les Lego véhiculent toutes ces sensations qui sont issus de l’enfance : l’imagination, le sourire, la joie, le souvenir.”
parcours
Comment as-tu commencé à travailler sur des Lego ?
Petit, je passais plus d’heures à dessiner sur mes cahiers qu’à y écrire le cours. J’ai aussi touché au montage vidéo pour montrer mes créations et voir les réactions de mes potes de lycée, et au mixage en soirée, toujours pour la même raison. Ainsi, j’aime bien me résumer en disant que je suis touche à tout mais n’excelle nulle part.
J’ai commencé par erreur, en voulant faire un gâteau dans un moule Lego. Quand il est sorti du four, il ressemblait à tout sauf à un Lego, et je me suis dit qu’il fallait que je trouve un moyen de le recycler pour faire autre chose. En coulant du plâtre, le résultat était incroyable au démoulage, et je me suis servi de cette base pour peindre dessus, avant d’aller le coller dans la rue.
Pourquoi avoir choisi de les coller dans la rue ?
J’ai commencé à poser des Lego dans la rue après un pari au travail, car j’avais pris conscience depuis plusieurs mois de la folie générée par Instagram, mais mon collègue ne me croyait pas. La bonne photographie, avec le bon hashtag, peut récolter un grand nombre de likes. J’ai voulu voir combien je pouvais en obtenir en produisant quelque chose.
La première fois qu’une personne inconnue trouve une figurine, prend le temps de s’arrêter et de la reposter sur les réseaux sociaux, cela procure un sentiment de jouissance et d’émotion. J’ai donc continué à coller pour cela, avec l’espoir que cela touche le plus de gens possible.
lego: la grande aventure
Quelle est la visibilité de tes pièces dans la rue ?
Mon problème vient du fait que les pièces en 3D se font facilement arracher. L’espérance de vie de mes Lego dans la rue va de quelques heures à quelques jours, une fois cela a même duré le temps d’une balade. Je pense que le Street art, en explosant dans les galeries et les musées, attire de plus en plus de monde. Comme les gens n’iront pas arracher un mur (sauf si c’est un Banksy), ils se rabattent sur ces pièces en 3D qui sont accessibles : même Invader se fait décoller ! Il n’y a pas besoin d’outils, si l’on gratte un peu elles se décollent, et les gens se mettent à les collectionner.
Paradoxalement, ils n’ont du coup pas le temps de se faire toyer. Une fois, l’un d’entre eux a été recouvert de peintures par les agents de la mairie de Paris, se trouvant ainsi mieux camouflé. Ils ne se dégradent pas non plus : avant j’utilisais du plâtre donc l’eau les abîmait, ce qui n’est plus le cas maintenant que j’emploie de la résine polyuréthane qui permet de les préserver plus longtemps.
De fait la majorité d’entre eux ne sera pas photographiable par le public.
C’est aussi parce qu’ils sont petits et discrets. J’en ai réalisé en trois différentes tailles : les plus petits font la taille de Lego, les moyens font dix centimètres et les plus grands font pour l’instant vingt centimètres. Pour ces derniers, j’ai réalisé le moule moi-même, avec de grandes difficultés : c’est pour cela que j’essaie davantage de les mettre en galerie que dans la rue. Je ne veux pas qu’une pièce qui m’a pris plus d’investissement se fasse arracher en une heure.
Comment choisis-tu ce que tu vas représenter dessus ?
De par leur taille, les plus petits sont peu décorés et sont donc collés comme un simple sticker. Je peins sur les moyens et les grands de la même façon, sans différence due à la taille, bien que la 3D ne rende pas la tâche facile. TocToc trouvait ça ridicule de peindre sur des Lego, mais il s’est vite aperçu que ce n’est pas si simple ! Concernant le dessin, je laisse libre cours à mon inspiration du moment, tout en cherchant à ce qu’il parle au plus grand nombre : cela peut être des personnages de séries qui m’inspirent, comme Les Princes de Bel Air ou les Simpson, mais aussi des films populaires, comme Die Hard ou Harry Potter. Pour les dessins plus abstraits je prends en note les formes qui me plaisent sur Instagram, qui est mon musée personnel, détestant les lieux qui obligent à réaliser un tour complet. Je procède au coup de cœur, m’arrêtant sur ce qui me parle le plus.
Parfois, il m’arrive de jeter de la peinture dessus pour voir le résultat, et de les voir récolter un très grand nombre de likes alors que cela m’a pris deux secondes, alors qu’à d’autres moments les retours sont mitigés après trois heures de travail. Je prends ça avec recul, ce sont les lois d’Instagram. Tout le monde n’a pas la même façon de penser, ni les mêmes centres d’intérêt. L’Art est quelque chose qu’on ne peut expliquer à quelqu’un d’autre.
Aimerais-tu pouvoir animer ces figurines figées ?
Si aujourd’hui ils sont vraiment figés, j’aimerais pouvoir travailler sur un modèle de cinquante centimètres pour le rendre modulable. Une fois collés ils ne bougeraient plus, mais il serait possible de fixer le bras dans la position souhaitée. Pour le moment je leur fais déjà tenir des accessoires, mais les bras restent le long du corps. J’avais peint les quatre tortues ninjas, mais figées elles manquaient de dynamisme. Cela me permettrait de faire davantage de mise en scène.
Colles-tu tes pièces de façon spontanée ?
J’ai des endroits de prédilection, mais je vais le plus souvent coller en sortant d’un bar. Je place régulièrement mes Lego dans le Marais, vers Bastille ou République. Avec Toctoc, nous nous rendons dans les lieux de passages, là où les Street art hunters iront fouiller. Mais je sors aussi souvent en trottinette pour découvrir de nouveaux murs, la tête levée, aux aguets, un peu rêveur. C’est un moyen de découvrir la ville, moi qui ai la fâcheuse habitude de me perdre.
LA RUE COMME CAISSE DE RESONANCE
On a l’impression que c’est davantage une dimension virale qu’un rapport à la rue qui motive ta démarche.
Je n’ai aucun rapport préalable avec la rue et j’ai en effet débuté avant tout pour Instagram. La rue m’a fait découvrir des artistes comme TocToc, Dark Snooopy ou Jaeraymie, mais je n’avais pensé aller graffer moi-même les murs. Mes Lego sont du Street art car il faut bien le catégoriser, mais je fais principalement cela pour m’amuser et faire sourire les gens. Une fois qu’on a mis le pied dans l’engrenage on a envie de continuer.
La rue te sert donc de caisse de résonance.
C’est un endroit dans lequel j’aime bien venir surprendre, alors que je me sers d’Instagram comme d’une galerie personnelle. Je poursuis mon travail dans la rue pour attirer l’œil et regarder les réactions des gens, la façon dont ils prennent leur photographie et interagissent avec mes personnages. Je n’ai pas envie de faire ça tout seul chez moi.
En quoi Instagram devient ton musée personnel ?
J’ai deux types de posts sur Instagram : je réalise déjà une première photographie juste après avoir terminé de travailler, à titre de sauvegarde. La deuxième image est celle du Lego en situation placé dans la rue. J’essaie de ne pas coller la pièce en plein milieu d’un mur, afin de conserver l’arrière-plan, la continuité de la rue, les nuages… Je me suis imposé de publier un post tous les deux jours, ce qui m’oblige à travailler, sans quoi j’aurais probablement tenu une semaine.
Quelle interactivité y a-t-il avec les passants ?
Si beaucoup de gens ont du mal à faire la différence entre Lego et Playmobil, ils retombent en tout cas tous en enfance en les voyant. Mon souvenir le plus amusant a été un collectionneur qui en achetant une pièce en galerie m’a expliqué que ce n’était pas pour le Lego et a développé une théorie sur mon travail. C’est étonnant de constater le folklore que les gens développent autour d’une pièce. Les Lego véhiculent toutes ces sensations qui sont issus de l’enfance : l’imagination, le sourire, la joie, le souvenir.
DES FIGURINES DE RENOMMEE UNIVERSELLE
En quoi a joué la renommée universelle des Lego dans la reconnaissance de ton travail ?
Au début mon Instagram était suivi uniquement par des fans de Lego. J’ai découvert avec cette communauté un monde à part qui m’a fait retomber en enfance, d’autant plus que la marque revient dans l’esprit du public avec de nouveaux films. C’était le bon support, au bon moment, que personne n’avait utilisé de cette façon auparavant : il est certain que j’ai plus gagné en notoriété grâce à ces figurines qu’aux gribouillages que je peux faire dessus. C’est à travers ces fans que mon Instagram a eu de la visibilité et que la rue a pu découvrir ce que je faisais.
As-tu déjà eu l’impression que les Lego étaient une limite, que certaines choses ne pouvaient être écrites ou dessinées dessus ?
J’ai toujours eu un esprit hardcore. J’adore ce décalage entre le Lego enfantin et les obscénités qu’il peut raconter. A une époque j’ajoutais des bulles en créant des phrases avec mon frère. Ce décalage entre Lego et insulte nous amusait beaucoup, même si je fais en sorte de ne jamais blesser : ma seule limite est de n’offenser personne avec ce qui est écrit sur les murs.
As-tu le sentiment de faire partie d’un courant artistique préexistant ?
Le Street art m’a apporté des rencontres et des amitiés. Mais je ne m’y sens pas affilié : je pourrais vivre en-dehors. Désormais je vais voir ce que font d’autres artistes, ce qui n’était pas le cas auparavant. De plus, il y a évidemment un effet générationnel, car hormis durant certaines expositions il est difficile de côtoyer les générations antérieures.
Comment pourrais-tu emmener les Lego encore plus loin ?
Ma prochaine étape est de travailler le géant. Cela fait presque un an que je suis sur ce projet, mais comme je suis autodidacte, le moulage est long à apprendre. J’aurais cependant la fierté de l’avoir fait seul. J’aimerais également développer le concept de Pixel art, en composant un cadre Lego avec plein de petites figurines dessus. Je pense que cela me permettrait de faire de plus grands murs.
Cela m’amuserait aussi de représenter des paysages champêtres, comme ceux que l’on voit chez ses grands parents ou dans les bistrots routiers.
As-tu déjà eu envie de travailler avec la marque ?
Certains fans purs et durs m’en voulaient de peindre sur des Lego. Et quelque part, j’ai toujours eu la peur qu’en approchant une grande marque ils me disent d’arrêter. Si Lego me proposait de peindre sur un personnage géant, cela me ferait bien sûr plaisir mais je ne vais pas les solliciter. En attendant je continue à être le plus viral possible avec mon compte Instagram. Le jour où j’obtiendrais quelque chose grâce à ce compte ce sera extraordinaire.
Imagines-tu sortir de ce concept ?
Quand je pensais être bloqué, la mosaïque m’a permis de tester une nouvelle forme d’expression. Le Lego est ce qui me représente, et si je devais arrêter j’arrêterais totalement, ou je choisirais un autre concept, un nouveau nom. Je me suis créé autour de cette idée-là et ne vois pas pourquoi j’en changerais. Les Lego ont réussi à se renouveler au cours du temps et il n’y a pas de raison qu’ils s’essoufflent. J’ai encore un grand nombre d’histoires et de personnages à inventer.
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