“Je pense que la rue permet d’étendre l’univers de la série sur laquelle on travaille.”
Petit, je réalisais des films d’animation. Progressivement j’en suis venu à peindre des décors et des personnages, puis des toiles. J’ai ensuite un peu mis la peinture de côté pour travailler dans le cinéma, faire de la musique et des clips. En réalisant des storyboards et des illustrations, je me suis aperçu que c’était ce qui me plaisait le plus et j’y suis donc complètement revenu il y a environ deux ans. J’ai essayé de trouver un style et de le développer, pour cette année commencer à montrer mes créations et à les exposer. J’ai aussi étudié le graphisme en arrivant à Paris, qui était pour moi une discipline trop appliquée, mais dont certains éléments se retrouvent aujourd’hui dans mon travail.
J’utilise de l’aquarelle, de l’acrylique et la bombe aérosol (de préférence à l’eau), car depuis que je suis à Paris je vis dans de petits espaces et c’était plus pratique de procéder ainsi. Je peins surtout au couteau et je pense me mettre prochainement à la peinture à l’huile qui permet des effets de relief plus marqués.
Je pense qu’il y a plutôt une continuité dans mon travail : je reste depuis le départ particulièrement attaché à l’environnement car je crois qu’il s’agit d’un thème vraiment contemporain. Le style s’adapte ensuite en fonction des périodes: la rue m’a par exemple permis de passer sur de plus grands formats en donnant davantage d’ampleur à mes créations, tout en leur conférant une histoire.
J’ai grandi à la campagne et les animaux me passionnent, je pouvais passer des heures à les observer. Mes premières aquarelles représentaient des insectes, et avant que même que je réalise la série des Superorganismes je peignais des créatures anthropomorphes inspirées par ces derniers et par les végétaux.
J’essaye de faire ressurgir l’animalité de ces animaux dans la rue, qui n’est pas du tout leur cadre naturel. Pour cela j’utilise des graffitis, des couleurs fluo et parfois une dose d’anthropomorphisme pour qu’on puisse s’y identifier et nous y reconnaître. Leurs formes sont construites en partie grâce aux graffitis qui produisent l’effet de calligrammes en alliant les mots au visuel, renforçant l‘idée qu’ils sont souvent laissés à l’abandon, comme de vieux bâtiments.
J’intègre aussi parfois des références à mes amis ou des caricatures pour apporter une touche d’humour.
Enfin, je travaille toujours sur le mouvement, réflexe venant peut-être de mes premiers films d’animation, en cherchant à apporter un maximum de vie au dessin.
Cet intérêt pour la couleur est surtout apparu avec la série Superorganismes et la multitudes de teintes des coraux. A travers cette série qui imaginait une humanité prise sous les flots, j’essayais de montrer le visage monstrueux de l’humain qui se serait adapté. Aujourd’hui, les couleurs flashy servent aussi à se démarquer dans la rue, c’est pourquoi je suis progressivement de teintes vives à fluo. Si j’utilise fréquemment certaines harmonies comme base, il y a toujours beaucoup de couleurs sur une seule peinture, donnant plus d’impact à l’œuvre. Il y a de la « concurrence » dans la rue et il était nécessaire de trouver un style qui permette de se distinguer tout en portant un message. Mais cela met aussi en avant ces espèces que l’on a tendance à oublier, en attirant l’œil dessus.
Je ne la trouve pas si sombre que ça. On la croit sombre parce que le fond est noir et représente les abysses, mais si on sort les coraux de l’eau on s’aperçoit qu’ils sont pleins de couleurs, pleins de vie. A l’inverse, je trouve que les animaux sont plus sombres qu’on ne le pense de par leur côté sauvage : ils viennent nous rugir au visage, se montrent plutôt agressifs.
Je pense que la rue permet d’étendre l’univers de la série sur laquelle on travaille. Elle permet de créer une ambiance cinématographique, le choix du lieu conférant une histoire. C’est aussi un endroit qui sert d’espace d’exposition, qui offre une meilleure visibilité. Je me suis mis à y travailler naturellement, sans que cela soit le fruit d’une vraie conviction. Au début je me suis caché, essayant de sortir la nuit entre minuit et une heure, mais je me suis aperçu que le Street art est plutôt toléré (en tous cas à Paris).
Cela vient des hantises que l’on peut avoir vis-à-vis de la rue. J’ai pensé que l’amende serait moins sévère. De plus, le collage a un aspect éphémère qui correspond à la sensibilité du message: ce qui m’importe le plus est l’histoire que je raconte et le fait de parvenir à la mettre en scène par la photographie, donc l’aspect éphémère ne me dérange pas. Mon collage est terminé lorsque je l’ai pris en photo, que j’ai capté le moment que je voulais : il peut ensuite disparaître. Cette mise en scène apporte encore plus de vie à l’image, elle est l’aboutissement de ce que j’ai fait.
Je pense que ces deux dimensions entrent en compte. Pour cette série la présence d’animaux sauvages dans la rue crée un contraste intéressant. Mais la visibilité est aussi importante : je repère toujours l’endroit avant le collage, pour que je puisse adapter mon format, comme pour le paresseux accroché à un tuyau. Je ne pouvais pas non plus poser un éléphant à n’importe quel endroit !
J’aime bien quand les passants se prennent en photo devant mes collages, créant ainsi une interaction avec l’animal, cela amène un peu de vie à l’œuvre. J’ai par exemple réalisé un Dumbo volant que beaucoup essayent d’attraper.
Je fais de la musique depuis mes dix-huit ans : elle permet d’extérioriser des choses que j’ai en tête et que je ne parviens pas à dire autrement. Avant même de m’y mette, mes premières peintures représentaient des musiciens, d’où mon pseudo.
C’est la vidéo qui m’a poussé vers la musique, je voulais en faire afin de pouvoir réaliser des clips. Elle a aussi débouché sur la peinture, passant des décors peints aux prises de vue réelles. Après plusieurs petits films amateurs, je me suis tourné vers le clip afin de ne plus avoir à m’occuper des dialogues et de la direction d’acteurs.
C’est important pour moi, même si je me concentrerai peut-être plus sur un domaine qu’un autre. Aujourd’hui j’ai choisi la peinture comme pratique principale, mais j’envisage toujours de faire de la vidéo et de la musique – je me force ainsi à sortir au moins un morceau par an pour mon anniversaire. En Street art, mon objectif est de produire une nouvelle pièce par semaine. J’essaie donc de tout combiner dans un même but : me faire plaisir !
Les chansons sont très personnelles, mais j’essaie de ne pas changer foncièrement et de prendre la vie jour après jour. Quand il y a quelque chose qui me plait je le fais, c’est le cas depuis que je suis petit, c’est une manière d’être heureux, ou du moins d’essayer de l’être. Je n’ai pas peur de la vieillesse et je pense qu’en avançant dans la vie il faut rester fidèle à ses convictions.
Je ne suis pas grand-chose pour le moment. J’arrive sur un terrain occupé par d’autres, j’ai donc voulu me démarquer par le style et être percutant visuellement pour arriver à sortir du lot. Par ailleurs, je suis fan de beaucoup de street artistes, cela fait un moment que je les suis sur les réseaux sociaux et c’est impressionnant de pouvoir les rencontrer.
A mon avis il y a encore beaucoup de choses à faire en Street art: on y est un peu comme à l’époque du cubisme. Je n’ai pas encore assez de recul, cela fait six mois que j’en fait, comme parti de rien: on verra ce qui se passera dans six mois.
J’essaie à chaque fois d’apporter quelque chose en plus que je n’ai pas encore fait, que ce soit par la pose, la couleur ou la mise en scène. Je répéterai peut-être à un moment le même motif, mais pour l’instant je cherche davantage à pousser au plus loin mes expérimentations en modifiant de petits éléments.
A court terme je souhaiterais mettre en place une exposition centrée sur un seul thème, en créant une ambiance de forêt complètement immersive. Sans me projeter à long terme, je voudrais développer ce concept, reliant les nouvelles technologies à l’art plus classique. Il y a surement beaucoup de choses à réaliser avec ça.
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Photographies: Sax
Entretien enregistré en juin 2019.
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