Les Parasites

Introduction

Les Parasites est le nom d’un collectif de jeunes Youtubeurs actif sur la plateforme de vidéos depuis 2013. Formé à l’origine par la réunion d’étudiants en école de cinéma, il s’est par la suite enrichi de comédiens rencontrés à l’occasion des 48H, concours de court-métrages à réaliser en moins de deux jours. 

La forces des Parasites réside tout aussi bien dans leur maturité technique qu’artistique. Composé de professionnels de chaque côté de la caméra, le collectif a su jouer avec les contraintes de genre et de rythme imposées par les concours. Mieux, ils ont développé au fil des réalisations leur propre univers, teinté d’une science-fiction côtoyant le fantastique et qui interroge souvent notre rapport aux évolutions technologiques et aux rapports humains qui en découlent. Fait de courses poursuites, fort d’une grande maîtrise du rythme, ce style a désormais pour ambition d’interroger des enjeux de société, tout en conservant l’intrigue au centre du récit.

Logo des Parasites

Rencontre et 48H

Comment est né le collectif des Parasites ?

A l’origine, le collectif est issu d’une rencontre entre Guillaume, Jérémy, Bastien et Sam à l’EICAR, une école de cinéma. On a commencé vraiment à faire des films ensemble, sans moyen et avec une toute petite équipe lors des 48H. Le premier film était Tentative 49. Ensuite ça a été La pièce, pour lequel Gabriel nous a rejoint. Ensuite, Amours artificiels nous a permis de rencontrer Roxanne et Greg. C’est au cours de ces 48H qu’on a nommé notre groupe « Les Parasites » pour la première fois. Comme il nous convenait bien, on l’a repris par la suite. Notre but était alors de retrouver le plaisir de faire des films entre amis et sans pression. En effet, on réalisait déjà des courts avant d’être en école de ciné, mais les 48H étaient un moyen de se retrouver face à un défi et une deadline, avec l’objectif d’un film à réaliser en entier en moins de deux jours.

 

Comment se répartit le travail d’écriture, de choix des comédiens ?

On a tous des idées qu’on met en commun pour pouvoir les développer. Si quelqu’un a une envie, on en parle et on écrit. Ceux qui sont motivés par ce projet peuvent alors se mettre à travailler dessus.

 

Quelle différence cela fait de travailler avec des conditions pré-imposées comme dans le cadre des 48H ?

Désormais, on préfère être plus libre au moment de l’écriture. Le dernier 48H, Kung-Fu, nous a permis de réaliser qu’on aimait moins travailler dans l’urgence qu’avant. Auparavant, on ne souhaitait pas aborder de thèmes spécifiques dans nos films et les 48H nous permettaient d’inventer des histoires. Mais on ne veut plus faire des films sans contenu : or, pour réaliser des choses qui ont du sens, les 48H sont une contrainte. On nous impose une idée, le genre, un objet, des dialogues. Avec notre propre volonté de rajouter du sens, cela devenait parfois compliqué. Pour certains films ces contraintes s’agençaient bien, pour d’autres c’était plus compliqué comme dans Faux Contact qui est un peu vide.

 

Vous parvenez à un important niveau de maîtrise technique pour des films tournés en 48 heures.

L’équipe technique est très réduite : Guillaume s’occupe de l’image, Jérémy est assistant réal. Il y a aussi un ingénieur son et une ou deux personnes qui s’occupent de la lumière, même si une fois sur le plateau tout le monde est à même de donner un coup de main. La technique n’est pas notre priorité, même si Guillaume a passé beaucoup de temps à s’intéresser au montage et aux effets pour la réalisation. Les 48H nous ont appris à nous en libérer, pour travailler davantage sur l’histoire et sur les comédiens. On ne fait pas un film pour qu’il soit beau techniquement, ce qui nous intéresse c’est la narration, le rythme, la capacité à émouvoir.

Analyse thématique

L’atmosphère de vos films crée souvent  un léger décalage avec la réalité, ce qui génère un malaise perceptible dès le début, et une montée de la tension. Vous y pensez dès l’écriture ou cela est généré à la réalisation et au montage ? 

C’est à l’écriture que ce détermine en grande partie l’ambiance du film : on ne crée pas une atmosphère uniquement en post-production. Pour les 48H on essayait toujours de trouver un élément fantastique qui nous plaisait et qui était en décalage avec la réalité. Après nos premiers films on s’est demandé ce qui revenait à chaque fois et on s’est aperçu que c’était cet élément fantastique, qui crée un décalage et une tension dans le récit. Une exception notable à cela se trouve dans Vertige : comme il s’agissait d’un plan séquence, on avait peur d’introduire ce type d’élément. En effet, le fantastique est plus facile à gérer s’il y a du montage, de la musique, plutôt que lors d’une séquence à chaud en une prise.

 

Vous avez une utilisation du lieu comme élément créateur de tension, et notamment l’utilisation d’un lieu clos : on peut penser à la voiture (Eva D, Faux Contact), mais aussi à des lieux dont on ne peut pas s’échapper, ce qui rapproche alors le fantastique de l’épouvante (l’appartement dans Bienvenue chez vous, la maison dans Jeu de société)

Dans beaucoup de nos histoires le personnage principal veut fuir ou s’échapper. Pour Jeu de société, le choix du lieu était réfléchi, même si ce n’était pas celui auquel on pensait au départ, mais cela correspondait au thème du film qui était l’enfermement dans un jeu. Pour les autres courts, le choix résulte souvent d’une adaptation aux contraintes. On a construit Bienvenue chez vous autour du lieu à notre disposition. Eva D devait être un road-trip, donc l’utilisation de la voiture était utilitaire. Pour Vertige elle nous permettait de souligner l’idée de fuite en avant. Le huis clos est aussi une facilité : cela nécessite moins de moyens pour tourner. Dans Crise d’empathie, l’école nous semblait être un choix intéressant, mais au niveau visuel plus qu’analytique. On revient par là-même à l’idée d’enfermement du personnage principal dans un monde dans lequel il n’a pas envie de vivre et d’où il essaie de s’échapper.

 

Plusieurs de vos films jouent sur une ambiguïté entre la réalité et la fiction, parfois à l’aide d’une mise en abîme : dans La pièce le tueur se fait passer pour un comédien ; dans Redcon le figurant quitte son rôle pour intervenir dans le récit. On pourrait aussi citer La légende du vieux Jacques avec sa vraie/fausse bande-annonce.

C’est une autre facilité : quand tu commences à tourner des films, tu as toujours envie de faire une mise en abîme sur la façon de faire des films. La légende du vieux Jacques est une blague. C’était un 48H pour lequel on avait droit à une durée de 4 minutes max. Comme notre film était court on s’est dit qu’on avait le temps de rajouter ce faux départ. A l’inverse dans Redcon cette idée participe vraiment à la narration. Mais il ne faut pas perdre de vue que lorsqu’on n’a pas d’idée, le premier réflexe que l’on adopte en école de cinéma est de faire justement un film sur des gens à la recherche d’une idée. Dans un style un peu différent, il y a dans Tentative 49 un passage intéressant lorsque l’un des deux personnages rajoute de la musique d’ambiance pour effrayer son ami : le son est ici à la fois diégétique et extradiégétique.

Style et enjeux

Comment adaptez-vous la réalisation à l’histoire ? Dans quelle mesure la gestion du rythme est un élément clé du récit ? Par exemple, le style de M. Carotte découle directement du film C’est arrivé près de chez vous.

Pour l’instant on ne prend pas le temps sur nos projets d’avoir une vraie réflexion sur la réalisation. On met surtout l’accent sur le rythme, sauf pour Ferdinand où il y a aussi une vraie intention de réalisation avec la volonté de créer un univers à la Wes Anderson. On prend conscience du rythme au tournage, on le travaille ensuite en post-production. On a conscience que nos vidéos postées sur Youtube doivent accrocher le spectateur dès le début sinon personne ne regardera. En école de cinéma on a tendance à être très contemplatif, à faire durer tes plans. Pour nous ce qui va donner le rythme c’est la volonté de faire avancer l’histoire, et du coup on accorde une grande importance aux premiers plans du film. Le rythme de M. Carotte est lent : au départ on n’avait pas écrit la scène d’introduction où le parpaing tombe sur la voiture. On a rajouté cette accroche en écho avec la fin car il manquait quelque chose. Mais le rythme se crée à toute les étapes de la construction du film : dès l’écriture, puis au cours du tournage et du montage. Avec Jeu de société on avait peur que le film soit trop long. On a tout élagué en amont et rien retiré au montage : tout était essentiel au bon fonctionnement du récit ! On avait pris assez de temps à l’écriture pour que ça passe.

Quand vous changez de genre vous changez également d’univers cinématographique : les histoires d’amour quittent ainsi le film noir pour prendre place dans un univers de science-fiction, qui évoque aussi bien Her que la série Black Mirror.

La science-fiction nous permet de faire passer facilement certains enjeux : ainsi, Symptômes d’amour fonctionne parce qu’on le place dans un monde où l’amour n’existe pas. L’univers n’est là que pour servir l’histoire, mais c’était intéressant qu’elle prenne forme à l’intérieur alors que son principal enjeu – l’amour – y est interdit. Tout le monde dans l’équipe apprécie cette légère dose de fantastique ou de science-fiction, mais c’est aussi parce qu’on regarde tous énormément de films et qu’on partage les mêmes goûts, concernant Black Mirror par exemple. Le fantastique lui nous servira plus pour des scénarios qui ont trait à l’horreur.

Quels sont les enjeux que vous souhaitez véhiculer au travers de vos films ?

Sur nos prochains projets on veut parler de sujets personnels. Il y en a un sur le végétarisme, sans doute un sur l’effondrement mondial. Ce sont des thèmes qui permettent d’aborder plein de choses, sans pour autant tomber dans la pure actualité. Jeu de société était peut-être un paroxysme dans cette démarche, les images étant avant tout au service de la métaphore. Pour autant, notre but n’est pas uniquement de faire un film pour passer un message, mais plutôt de réussir à faire passer un message à chaque fois. C’est pour cela qu’on a décidé de ne plus envoyer de films en festivals, mais de les mettre sur Youtube. On ne voulait rendre de compte à personne et offrir au plus grand nombre un accès aux films. On espère à terme être viable avec notre système de production, mais on ne sait pas si le format court nous permettra de le faire. Pour l’instant on y prend du plaisir et ça nous permet d’apprendre, même si notre rêve est de pouvoir un jour de passer au cinéma.

Quelle est la question que je ne vous ai pas posée ?

Quel est le titre de notre prochain film ?

Crédit photo de couverture: Laura Gilli // Crédit logo: Antoine Behaeghel.

Crédit vidéo: Les Parasites.

Les vidéos des Parasites sont à découvrir sur leur chaîne Youtube, et Facebook.

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