Loiseaucraie

LOISEAUCRAIE

Les oiseaux d'un anartiste

Cette ligne, c’est un rythme que j’ai dans la main, combiné à la sensation procurée par la craie passant sur les aspérités de chaque surface qui changeront potentiellement son chemin. On le compare parfois à de la calligraphie.”

L’OISEAU SAUVAGE

La première chose que tu m’as dit, c’est que tu n’es pas artiste. Quelle est la différence selon toi entre un artiste et quelqu’un qui ne l’est pas ?

Je pense que c’est un peu comme la poésie, à partir du moment où tu affirmes en faire c’est que tu n’es pas poète. Dès lors que tu déclares « faire de l’Art » je pense que tu n’es pas artiste. Peut-être qu’alors le seul moyen de l’être est qu’un autre te désigne comme tel, mais encore faut-il l’accepter. Je préfère anartiste, le jeu de mots me plait, même si je trouve qu’il est ridicule de coller ces étiquettes, sachant que c’est une démarche qui sert avant tout à se faire du bien. J’essaie d’être moi, de simplement dessiner des oiseaux avec une craie. CAB est mon blaze depuis que je suis gamin, mais je n’ai jamais fait d’études d’Art, jamais appris à dessiner. Je ne connais pas l’histoire de l’Art et ne prétends pas avoir la vérité absolue. La vision que j’en ai passe par la transmission d’une idée, son partage, pas un marché, qui pour le coup est plus prosaïque que poétique. Nombreux sont les artistes qui de mon point de vue sont des commerciaux. Répondre à l’appel d’offre, coller de la publicité, faire du relationnel au vernissage pour aguicher l’acheteur… c’est commercial terrain… Finalement, on revient aux troubadours qui font la cour aux seigneurs pour le prix d’un repas, d’une nuitée… on ne gagne rien à vendre son dess(e)in. Je ne suis pas là pour servir un seigneur et me débrouille autrement pour me nourrir.

Il arrive qu’on me propose d’exposer en galerie. A ce jour je pense que franchir le pas ou non est une question d’ego. N’importe qui peut exposer. Regardez ce que l’on y trouve… Ou alors faites vous-même votre propre exposition. Ai-je besoin de l’Art pour me sentir mieux ? Certainement. Ai-je besoin d’une galerie ? Certainement pas. Pour faire quoi ? L’enrichir ? Dessiner, c’est s’enrichir au sens noble du terme. Cultiver son jardin. N’est-ce pas plus simple de se promener, d’avoir les mains dans les poches et de temps en temps les sortir pour toucher les murs et libérer un oiseau ?

Le dessin est pour toi une nécessité.

C’est une nécessité physiologique et mentale. S’exprimer pleinement est un besoin vital qui n’est pas évident à satisfaire. Dessiner des oiseaux est pour moi une manière d’être. C’est ce qu’on pourrait peut-être appeler de l’Art thérapie. L’Art permet de mieux vivre, au sens propre du terme. De s’exprimer en s’affranchissant des codes du bien penser.

L’OISEAU LIBRE

Pourquoi avoir choisi l’oiseau ?

Alors que je ne savais pas dessiner, une de mes filles m’a demandé de tracer un oiseau dans un œuf, alors qu’elle s’amusait avec des craies sur le sol. Un trait est apparu, spontanément, avant que je réalise plus tard qu’il venait de loin. Puis je l’ai mis en mouvement : à partir de l’œuf, l’oiseau s’est mis à voler, avant de prendre différentes formes. Au-delà de la demande de mes filles, les oiseaux sont présents partout (même si de nombreuses espèces sont menacées). Dans le ciel, sur les balcons, sur les places, avec ce qu’ils représentent de liberté, de légèreté et d’envol. L’oiseau a une vue d’en haut. Il surplombe notre monde. Que fait-il ? Que pense-t-il ? Comment vit-il ? Un oiseau m’interpelle toujours. En m’y intéressant un peu plus, j’ai appris leurs différentes espèces, leurs particularités, puis j’ai entendu parler de la langue des oiseaux, une sorte de langage secret. Une manière de dire l’ineffable, l’indicible. Ces jeux de mots, le sens des lettres, la façon dont on peut les détourner de leur sens initial : j’ai découvert toutes ces choses dont je n’avais pas conscience. Dès que tu le réalises tu peux te mettre à jouer avec, à parler, écrire ou dessiner des oiseaux. Quand j’en dessine un je m’envole un peu, je prends de la hauteur, je me libère.

Cette liberté ne peut-elle passer que par le vandale ?

Suivre la règle, se conformer à la Loi, est-ce être libre ? J’ai du mal à comprendre comment on peut parler de Street art en évoquant un mur autorisé. J’avoue avoir du mal à définir cette étiquette et me sens de plus en plus éloigné de l’image qu’elle véhicule. J’envisage uniquement l’action vandale, mon côté anartiste peut être. Un mur autorisé est une publicité, une décoration. Rien d’autre. Si on me demande un dessin particulier souvent je refuse, car je ne suis pas illustrateur. Je dessine ce que j’ai à dire. Cela m’est arrivé avec des marques de mode qui souhaitaient une performance pour animer une soirée. Cela fait vraiment bête de foire. Le « live painting »… Ne manque plus qu’une cage et des cacahuètes pour être bien… Ce ne sont ni mes valeurs ni mes pratiques.

Dans l’essai de Codex Urbanus Pourquoi l’Art est dans la Rue ? cette liberté devient même une nécessité.

L’essai de Codex est intéressant, il a raison de dire que l’on dessine sur les murs pour sortir de son enfermement. Son texte donne des clés pour aider à comprendre. Les gens vont penser que la publicité sauvage aperçue dans la rue est du Street art car elle est graphique… Un tag, un graffiti, une trace de craie, un collage ou un mur de trente mètres de haut ne sont pas des choses comparables. En ce sens nous sommes d’accord.

Mais la liberté est une valeur quelque peu bafouée… Tout comme l’égalité et la fraternité…  Un musée, un bar, une bière : tout est estampillé Street art, et tout est commercial. Le commerce est-ce la liberté ? La liberté est un concept qui varie fonction de l’être. En avons-nous tous la même définition ? Pendant longtemps je me suis enchaîné à la poursuivre. Je dis enchaîné car la plupart de nos semblables humains vont sacrifier leur liberté pour en gagner… Gagner du temps, de l’argent. Gagner selon les règles que nos sociétés ont-elles mêmes fixées. Vous adhérez à cela vous ?

Nous avons assisté juste avant de s’assoir à une drôle de scène… Un mur avec une belle pièce de peinture vandale recouverte par une publicité sauvage reprenant les codes du Street art… Quand je suis témoin de ce genre de moments j’interviens, qu’importe la qualité du dessin. Les colleurs de publicité se sentent légitimes car cela leur permet de gagner quelques euros de liberté… Je ne sais pas qui a raison, j’agis comme je le sens.

Si le mur est un espace de liberté pour tous, est-ce que la qualité des œuvres devrait avoir une importance ?

Juger de la qualité d’un dessin est par définition subjectif. Il est difficile de tomber d’accord. S’il y a dessin, il y a vie. Belle ou pas, à vous de voir. Il y a sur les quais de Seine de grands murs noir pour la craie à destination des enfants petits et grands. Je pense que dans tous les arrondissements et toutes les villes il devrait y avoir des murs comme ceux-là, avec pour seule règle que tout soit effacé au quotidien. Ces murs d’expression ne coûteraient sans doute pas grand-chose, mais apporteraient beaucoup de bien-être aux citoyens et seraient profitables aux municipalités. Enfin, les règles sont faites pour être remises en question.

Collaboration avec Jeanjerome
Répètes-tu inlassablement le même motif, ou ne fais-tu jamais la même chose ?

Si je trace quinze flamants roses, aucun ne sera identique. Parfois, il m’arrive de retenir un assemblage de deux ou trois oiseaux et de leur donner un nom spécifique. Est-ce que je récite un alphabet au quotidien ? Non, je contrôle une partie de ce qui sors de ma main, mais pas la totalité. Je ne suis pas premier violon dans un grand orchestre. Je dois aujourd’hui avoir près de soixante-dix oiseaux dans mon vocabulaire, que je combine de différentes façons. Que j’en trace un ou plusieurs, mon dessin aura un sens différent. Ces « hiéroglyphes » portent une signification spécifique pour moi, indépendamment de ce que peuvent y voir les gens.

UN MOUVEMENT TRACE A LA CRAIE

Le mouvement occupe une place déterminante dans ton dessin.

C’est le mouvement qui est intéressant avant tout. Je ne lève jamais la main (hormis pour l’œil), mes lignes sont composées d’un seul trait. Dès lors, je peux dessiner une multitude d’oiseaux, mais tous seront différents, notamment par leur structure, qu’elle soit en 4, en L, en F ou en S. Il suffit aussi que la surface soit inégale pour que tout change. Cette ligne, c’est un rythme que j’ai dans la main, combiné à la sensation procurée par la craie passant sur les aspérités de chaque surface qui modifieront potentiellement son chemin. On compare parfois ce trait à la calligraphie. Je n’ai jamais étudié la calligraphie, mais on retrouve ici une certaine recherche du geste absolu, tout en sachant qu’on ne pourra jamais l’atteindre. Lorsque je trace une ligne, cela me procure une sensation de bien-être sur le moment, mais dans moins de cinq pour cent des cas je la considère réussie.

Collaboration avec Mr Depielli
La spontanéité offerte par la craie est corollaire à cette idée.

La craie est un outil simple, facilement transportable et peu encombrant. On peut s’en servir partout et par tout temps. Elle permet d’étudier rapidement une multitude de lignes et prête à la spontanéité.

Le premier plaisir est la ligne, la façon dont elle vient et la sensation créée au bout des doigts lorsque la craie mord le mur. Elle y laisse une jolie trace d’un centimètre de large en fonction de la manière dont on l’écrase, en fonction aussi de la matière. Il m’est arrivé de dessiner pendant plusieurs heures, mais d’en avoir toujours envie en rentrant chez moi. Et même lorsqu’il fait froid en hiver, cela reste un plaisir de se promener pour libérer des oiseaux.

La craie était donc un medium évident de par la sensation qu’elle procure.

C’est l’outil que mes gamines m’ont donné, et c’est finalement le plus simple et le plus direct. Je pourrais utiliser une bombe ou un pinceau, mais je n’aurais pas la même sensation. A l’aérosol on ne touche pas la surface, et c’est justement ce qui est intéressant, car il permet de repasser n’importe quoi en conservant un rendu net (à force de pratique). A l’inverse, il faut apprendre avec la craie à regarder les murs, à y passer le bout des doigts pour savoir si elle peut prendre ou pas. Pour moi cela passe aussi par la promenade. C’est bon pour les jambes et la tête. C’est l’une des rares choses qui soient gratuites, et qui devrait être obligatoire tant elle permet de voir différemment ce qui nous entoure, d’explorer son environnement aussi bien extérieur qu’intérieur. C’est peut-être une métaphore de la vie : on sait qu’un jour elle s’arrêtera, mais en attendant promenons-nous. Soyons nous-même. 

La dimension éphémère est-elle un élément moteur de ta démarche ?

Ma démarche est juste d’être moi-même. De vivre. Il n’y a pas de calcul. La vie est éphémère, tu es éphémère, je le suis aussi, nous le sommes tous. Je n’utilise pas la craie parce qu’elle est éphémère, une bombe aérosol l’est également. J’ai vu des murs bombés durer moins longtemps que d’autres où il y avait une ligne de craie. Avec ce matériau les marques vont parfois faner, en fonction du vent, de la pluie, de l’exposition. Certaines d’entre elles vont rester nettes, sur d’autres il y aura des traces de doigt. La vie…une ligne continue et des points.

En quoi peut-on considérer que ton travail / tes oiseaux sont abstraits ?

Je n’aime pas le mot travail, ni le mot ouvrage. Il s’agit sans doute plus de recherche. Mon ami Michel me dit souvent que je cherche la ligne optimale, celle qui permettrait en étant très simple de donner à voir des choses cachées, à la fois le vide et le plein. Il existe une conception du dessin quasi-scientifique qui est tout sauf abstraite. Or, j’ai l’impression que les lignes que je trace ne sont pas réalistes : ce ne sont pas des silhouettes d’autruches, de coqs, de colibris ou de chouettes, mais pourtant les gens vont les voir, ou découvrir autre chose.

LA RUE COMME ESPACE D’ENVOL

Pourquoi la rue est importante dans ton travail ?

La sensation en créant dans la rue est très différente, quel que soit le medium. Au début j’avais un balcon avec des pièces de bois sur lesquelles je dessinais à la craie. Et j’ai commencé dans la rue sur un trottoir en béton. Le ressenti n’a rien à voir avec celui de créer sur papier. Ce qui m’intéresse c’est ce moment, lorsque tu traces ta ligne, où la craie va toucher la surface. Il n’est pas possible de reproduire ce mouvement avec un feutre ou un marqueur. La craie procure une sensation qui est incomparable. Essayez !

Attends-tu une interaction entre ton dessin et le passant ?

Je dessine pour moi, pour mon bien-être, pas pour amuser la galerie. Tous les jours je trace une cinquantaine d’oiseaux. Ils sont parfois malicieux, cachés dans un placard, un aéroport, bien en vue sur une publicité ou posés uniquement parce que la surface me plaisait. C’est mon langage, qui ouvre de temps en temps sur un lien avec d’autres. Il y a des dessins qui me semblent évidents mais dans lesquels les gens voient autre chose. J’ai été moi-même surpris que cela puisse plaire, et que certaines personnes puissent traverser Paris pour récupérer un encombrant sur lequel j’avais tracé un oiseau. Souvent, lorsqu’ils me voient faire, les gens s’arrêtent pour discuter, donner leur avis. Ce qu’ils m’ont renvoyé m’a permis de prendre conscience de certaines choses. Par exemple, lorsqu’ils comparaient mes dessins à de la poésie je n’étais pas d’accord avec eux: je me suis donc intéressé au sujet, pour me demander pourquoi il était important. Qu’est-ce que l’Art ? Qu’est-ce qu’un artiste ? Toutes ces questions que je ne me posais pas sont apparues par le biais de la craie. Mais l’important n’est pas de se déterminer artiste ou poète, pas plus que président ou CEO. Nous avons toujours tendance à nous fabriquer une cage dorée pour nous emprisonner. Une famille, une voiture, une maison : tout peut devenir prison. Le modèle de société que l’on donne à nos enfants n’est pas toujours le bon. On apprend à rentrer dans le moule, mais pas à s’élever, à être soi. On apprend à copier, mais pas à créer. Or, je pense que la poésie doit avant tout être légère.

Je suis toujours surpris de recevoir des témoignages de personnes qui m’expliquent que mes oiseaux leur ont fait du bien. Ces dessins je les sème là où je passe, et mon but n’a jamais été de me dire qu’un jour quelqu’un tomberait nez à nez avec l’un d’entre eux qui lui apporterait du bien-être. Si c’est le cas tant mieux.

Il en ressort un partage.

Il y a des jours où je suis dans ma bulle, ignorant ce qu’il se passe derrière moi quand je dessine, et des jours où je partage ces moments avec les gens. La craie m’a permis de créer certains liens qui ont changé ma vie. De rencontrer d’autres êtres volants. Le partage est important pour moi et fondamental dans ma vision de la société. Quand je croise quelqu’un dans la rue qui commente mes lignes, je lui offre en général un morceau de craie, mais aussi un oiseau, un geste. Cette personne pourra ensuite le donner à qui elle voudra, autant de fois qu’elle le souhaitera. C’est une corne d’abondance, et cet oiseau pourra ainsi vivre à l’infini. Je l’incite aussi à trouver ses propres motifs, à inventer ses propres lignes. J’ai découvert un court-métrage d’après un livre pour enfants de Serge Bloch, La grande histoire d’un petit trait. Une histoire de transmission. Je vous encourage à la lire.

Quel est ton rapport à la photographie ?

Je prends au mieux un pour cent de mes dessins en photo. La plupart du temps je passe vite à un autre mur. Je vois mon trait se faire et je m’en vais. Si je me promène avec des amis vandailes je vais me poser, voir ce qu’ils font, prendre du recul. Mais le plus souvent je trace ma ligne et je file, sans me demander si le positionnement va la mettre en valeur, si une photographie serait réussie. Bien sûr, si je veux avoir une image à partager je vais essayer de la prendre au mieux, mais le dessin ne sera pas motivé par cela. Le but du jeu n’est pas d’obtenir un cliché qui génère du like ou des followers. Juste un aperçu de mes traces que je vais archiver sur un compte Instagram.

Si tu ne prends pas de photographies, est-ce parce que le moment est plus important à tes yeux ?

Clairement, le moment, le mouvement, la sensation priment sur la photographie. C’est un besoin physiologique : je me suis installé dans mon nid un tableau de quatre mètres, côté blanc j’y travaille, côté noir j’y dessine. J’ai un jour retrouvé en bas de chez moi un oiseau tracé bizarrement. C’était une de mes filles qui avait piqué une craie pour tracer le sien. Cette transmission est bien plus importante qu’une image. La Photographie est à mon avis un art majeur comparé au « Street art ». C’est un autre jeu, un autre monde, d’autres sensations.

L’OISEAU MIGRATEUR

Pourquoi as-tu organisé le rassemblement du Vernipassage ?

La fainéantise. Je l’avais fait une première fois avec deux êtres chers, Loiseaulire et Soyons Fous. Lorsque j’ai vu que les dessins fanaient, j’ai pensé qu’il fallait recommencer avant que la mairie ne repasse tout à la grosse peinture. J’ai donc proposé à d’autres, pour devenir une sorte de curateur, un mot qui me fait rire, et prouver par la même occasion que n’importe qui peut organiser une exposition de rue. Il suffit de vouloir. Je leur ai demandé de réaliser des dessins spécifiquement pour cet endroit, autour de l’envol et de l’oiseau. J’ai ajouté de faux cartels, avec le nom de l’œuvre, de l’artiste, ainsi qu’un code-barre et un point rouge, pour faire croire que c’était vendu. Certains essayaient même de le scanner, pensant pouvoir l’acheter ! Quand je vous dis que tout est commerce…

Comment perçois-tu le Street art aujourd’hui ?

Ce qui me fait mal, c’est qu’il y a des dessins et démarches de piètre qualité dans la rue, qui seront malgré tout assimilés à des œuvres qui de mon point de vue sont nettement supérieures. Coller des photocopies d’images glanées sur Internet et légèrement modifiées à quelques centimètres de quelqu’un qui s’est donné la peine de faire une oeuvre à la main n’a pas de sens. Prenez les murs vides, il y en a beaucoup, ils sont à tout le monde. Ces murs bougent en permanence, d’où l’absurdité des « guides du Street art » trouvables en librairie. De plus, certains artistes se mettent à faire des campagnes d’affichage pour vendre leurs dessins, avoir plus de visibilité et acheter des followers sur Instagram. Cela n’a aucune valeur artistiquement parlant: « Être connu sur Instagram c’est comme être riche au Monopoly ». Je ne dis pas que l’artiste doit mourir de faim, mais je trouve ridicule de faire de la mauvaise publicité de rue. Il est possible de vivre décemment en se respectant et en respectant son public sans faire du mauvais marketing qui est déjà omniprésent dans notre quotidien. Miss.tic sur un briquet… est-ce du Street art ? L’Art urbain ce n’est pas non plus un dessin sur une boule de Noël… Décoller un dessin fait dans la rue pour le ramener chez soi c’est comme cueillir un coquelicot. Cela n’a pas de sens. Le dessin perdra sa vitalité une fois encadré dans un appartement.

Je pense que beaucoup de ceux qui tapent les murs dans la rue ont un réel goût pour l’Art, mais j’ai la sensation que la majorité a suivi un parcours artistique et y voit un moyen d’entrer ou de retourner en galerie avec plus de succès car le Street art est tendance. Aller dessiner dans telle rue plutôt qu’une autre car elle est dans un guide est méprisable. Faire des dessins spécifiques avec des couleurs flashy pour « attraper » le regard du passant, c’est du marketing, pas de l’Art. Est-ce une bonne chose ? Dès lors qu’il y a du mouvement je pense que c’est positif, même si je n’aime pas tout. Est-ce que ça change l’histoire de l’Art ? Je n’en sais rien je suis inculte sur le sujet. On ne ressort pas nécessairement grandi à vouloir tout étiqueter. Lorsqu’on compare mes dessins avec des choses qui sont aux antipodes de ce que je ressens, comme de la publicité ou un mauvais collage, cela me fait mal. C’est humain. Pour moi il y a le Vrai/beau et le Faux/mal, qu’on ne distingue que par le cœur. A chacun de trouver son bonheur. C’est un possible.

Photographies:  Loiseaucraie

Vous pouvez retrouver Loiseaucraie sur Instagram.

Entretien enregistré en octobre 2019.

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