EVAZESIR
Recomposer nos mémoires
Ceci est une introduction : saint oma street art.
“Le regard est peut-être le sujet principal de notre peinture. C’est le miroir de l’âme : en voyant un regard on comprend ce qu’il y a derrière.”
PARCOURS
Comment êtes-vous devenus artistes ? Comment avez-vous commencé dans la rue ?
Sir : J’ai commencé à peindre à Bourges, dont je suis originaire, dans des endroits désaffectés. Par l’intermédiaire de l’urbex, j’ai trouvé des casernes abandonnées, avant de commencer petit à petit à taguer et à peindre à la bombe. J’ai ainsi ouvert un lieu qui en deux ans a complétement été recouvert.
Eva : Nous nous sommes rencontrés en 2007 à Lyon, alors que je n’avais pas du tout d’implication dans la rue. Nous appartenions à cette époque au même collectif – No Rules Corp. J’étais plasticienne et travaillais sur toile. Il m’a fait découvrir l’urbex puis m’a poussé à faire sur un mur ce que je faisais jusque-là sur un tableau. C’était une forme d’enseignement réciproque, car à l’inverse je l’ai amené en atelier. Nous avons ainsi partagé ces orientations avant de les mélanger quelques années plus tard.
Sir : C’est en effet à Lyon que j’ai commencé à peindre dans la rue, car je trouvais très peu de lieux désaffectés. J’y ai d’abord fait du tag, puis du pochoir sur les pentes de la Croix-Rousse. A cette époque j’aurais presque pu tenir le discours d’une approche exclusive à la rue. J’ai rencontré Eva un an après.
Eva : Je pensais que je n’arriverais à peindre dans la rue comme en atelier, car je peux passer des jours sur un tableau. Je peins des personnages réalistes en noir et blanc à l’acrylique, avec beaucoup de coulures et un long temps de séchage. Comme j’y reviens plusieurs fois, cela ne peut pas être aussi impulsif qu’un geste graffiti. Mes outils étant le pinceau et la patience, je n’envisageais pas de pouvoir peindre furtivement. Lui m’a alors dit que je n’avais qu’à le faire sur du papier. C’est à partir de là que nous avons commencé le collage. En 2007, à Lyon, il n’y avait pas beaucoup de colleurs. Nous nous sommes donc amusés à aller les placer sur des camions ou en hauteur.
DES STYLES JUXTAPOSES
Votre travail se remarque d’abord par une juxtaposition très forte de vos différents univers.
Sir : Nos premiers travaux se faisaient séparément, sur des toiles différentes. Nous n’étions pas encore Evazésir. Cela a mis quatre à cinq ans pour qu’apparaissent progressivement des pièces dans lesquelles nous placions chacun un perso et que nous mêlions nos techniques pour aboutir à ce mix entre pochoir et peinture que l’on signe désormais uniquement à deux.
Eva : No Rules Corp comprenait des membres faisant de la musique, du DJ, du pochoir, du graffiti et de la peinture réaliste. Nous avons voulu faire des collabs et les liens sont venus par la forme. Il s’est mis à créer les fonds, j’intervenais dessus et lui à nouveau. Nos univers sont comme le yin et le yang. Ils s’emboitent parfaitement, l’un ne peut pas aller sans l’autre, comme des strates superposées : si l’un est seule, l’autre manque.
Cette juxtaposition des styles s’exprime aussi bien à travers la dynamique figuration/abstraction que par l’opposition noir et blanc/couleur.
Eva : Nous sommes toujours en train de créer des histoires, des personnages. Lui est très couleur, motifs anciens, vieux papiers qui forment un univers. Pour les productions d’atelier, on trouve de vieux meubles dans la rue qu’il démonte et juxtapose pour leur donner une nouvelle vie. J’interviens alors avec un personnage qui aurait vécu dans ce contexte-là. Nos travaux se placent ainsi au début et à la fin d’une même histoire, portant une réflexion menée à deux.
Sir : On aime bien que nos personnages soient en noir et blanc. Pour nous c’est aller vers l’essentiel : on ne voit pas toujours d’intérêt à ce qu’il y ait de la couleur dans nos travaux.
Eva : Cela marque à la fois un contraste et une attraction. On tend alors vers l’ancien, la vieille image ou la pellicule pas très nette. Nos tableaux ne figurent pas le modernisme. On utilise souvent plein de termes pour en parler, dont vintage, parfois vieillot. Mais pour nous, le noir et blanc participe pleinement dans la recherche de la trace et de l’histoire que l’on va raconter.
Sir : On peut aimer cette modernité chez d’autres artistes, mais elle nous effraie un peu : c’est pour cela qu’il n’y a presque jamais de personnages contemporains dans nos pièces.
L’assemblage d’éléments hétéroclites est souvent au centre de l’œuvre.
Eva : Il y a un côté de bric et de broc dans l’assemblage : on parle parfois pour le définir de camaïeu, de mosaïque ou de puzzle. C’est essayer de trouver une cohérence à partir d’éléments qui ne sont pas faits pour être réunis. Cela crée un lien qui paraitrait peut-être absurde au départ : un pied de chaise et l’image d’un papi évoquent ainsi la chaise du grand-père. Pourtant, il s’agit juste d’un regard et d’un morceau de meuble. Il s’agit de liens mentaux.
Sir : Tous les éléments varient, qu’il s’agisse de leur temporalité ou de leur origine. Les civilisations actuelles sont cosmopolites. Notre rêve est de créer une unité à partir de cette diversité qui va nourrir nos histoires. On parle beaucoup pour proposer des œuvres que les gens puissent interpréter et s’approprier. Nous avons toujours notre message mais on apprécie que la fresque puisse être vue autrement. Ces autres lectures sont parfois superbes et mettent le doigt sur des choses auxquelles nous n’avions pas pensé. Nous travaillons de cette façon depuis une pièce réalisée à Montreuil qui représentait un migrant : les gens nous avaient dit qu’elle était très belle mais qu’il était un peu difficile de la voir tous les jours.
Eva : On aura toujours notre discours et notre histoire et nous ne ferons jamais une production simplement esthétique, car cela n’aura aucun intérêt. Ce sens sera juste parfois insinué dans le titre.
Avez-vous un rapport particulier au regard, qui est souvent une partie clé de vos tableaux, qu’il soit le seul élément présent ou au contraire la seule partie manquante ?
Eva : Le regard est peut-être le sujet principal de notre peinture. C’est le miroir de l’âme : en voyant un regard on comprend ce qu’il y a derrière. Tout passe par lui, la pensée comme la personnalité. Parfois, il y a simplement besoin de mettre un regard dans un tableau pour aller au bout de ce que l’on veut dire sur un personnage. Je ne sais pas ce qu’on ferait sans lui.
Sir : A l’heure de la communication, on ose souvent discuter de plein de choses sans le penser. Or, on peut difficilement tromper par le regard. Lorsqu’on cherche nos personnages sur de vieilles cartes postales, il nous arrête parfois. Il peut ainsi nous perturber voire nous remettre en question. Zapata a par exemple un regard très dur : sur cette image, j’avais l’impression qu’il me dévisageait, me demandait si j’étais certain de vivre sur la bonne voie.
Eva : Il y a des fresques qui me mettent mal à l’aise car le regard questionne ou me fait douter.
Sir : Le tableau le plus célèbre du monde, la Joconde, est basé sur le regard. En l’absence d’un langage commun la communication passe aussi par là. Même si lors de nos voyages en Amérique latine ou en Indonésie, c’est aussi par la Peinture que l’on a pu dialoguer autrement.
Eva : Il y a aussi quelque chose d’universel dans le regard. Tout le monde peut s’y reconnaître ou le comprendre. En peignant un personnage avec un regard particulier, cela va toucher l’autre, lui permettre de comprendre la peinture. Que ce soit au Mexique ou en Indonésie, cela attire les gens.
Vos fresques jouent également beaucoup sur les effets de déchirure visuelle, de déconstruction/reconstruction.
Eva : Le fait de montrer l’usure du temps, de la rue, c’est donner de la temporalité à la matière. La déchirure signifie qu’il y a une couche par-dessus une autre, quelque chose de caché, du temps passé. Elle marque aussi le fait qu’on a un problème avec l’aplat, le lisse, le vide. Nous jouons avec les différentes profondeurs, le dévoilé ou le masqué, cachant certaines parties pour mieux en révéler d’autres.
Sir : C’est un jeu entre ce qu’on montre en surface et dans le fond. Nous ne sommes jamais déçus lorsqu’un de nos collages est arraché car cela prouve qu’il y a eu interaction. C’est presque triste quand il ne se passe rien et qu’il se défait peu à peu pour tomber. C’est horrible de voir cela.
Eva : On sort de la dimension classique et plane du support de départ. Même sur un mur on aura envie de créer du volume. Si on a l’autorisation, nous serons les premiers à percer, trouer et assembler des vieux bois trouvés dans la rue. Pour les murs de Nancy ou d’Epinal, nous avons ainsi eu la possibilité d’aller récupérer dans la déchetterie communale des objets de la ville, prendre un peu des habitants pour reformer une histoire avec leur passé.
UNE MEMOIRE DE L’INTIME
Quelles sources utilisez-vous ?
Eva : Nous faisons beaucoup de recherche documentaire. Pour travailler sur la Commune de Paris, nous avons scanné le peu d’éléments trouvés ce qui nous a permis de partir de personnages réels. Nous les recontextualisons dans un nouvel univers, dans une nouvelle période, en les faisant réexister. On crée ainsi une mise en parallèle, utilisant la réalité des sources de la même façon qu’on prend un ancien tiroir comme support. C’est excitant de trouver de vieilles sources pour créer de nouveaux imaginaires. De fait, nous adorons chiner et, si l’on trouve de vieilles cartes postales on achète le lot sans réfléchir, sachant qu’il contiendra forcément quelques personnes à faire revivre.
Sir : En inventant la suite de leur histoire, nous nous faisons archéologues. C’est une partie très importante du travail que nous adorons. C’était par exemple la thématique de notre exposition sur les gens ordinaires. A partir d’un vieux carnet trouvé dans la rue, nous avons repris toutes les photos de personnes qui sont devenues tableaux. Était-ce pour autant vraiment une famille existante ? Quelqu’un aurait pu venir et voir apparaître devant lui l’image de ses ancêtres.
Eva : Sauf que nous les aurons fait revivre en imaginant ce qui aurait pu être leur histoire à une période donnée. A chaque fois nous partons ainsi d’une trouvaille ou d’une recherche sur un lieu. Grâce à Internet, nos tableaux s’alimentent ensuite de sources et d’anecdotes.
Les artistes urbains qui utilisent une iconographie ancienne s’en servent souvent telle quelle en la détournant. Ici, il y a transformation et réinterprétation.
Eva : Toute l’histoire de nos fresques et de nos tableaux dépend au départ des fonds et des contextes. C’est la recontextualisation d’un personnage avec une source, qui parfois peut être un lieu ou un vieil objet. Il y a une fresque à Alesia qui s’appelle Dans l’attente, l’espoir et le doute, située devant un hôpital. Notre histoire tourne autour d’une personne attendant de savoir comment va un de ses proches à l’intérieur du bâtiment. Tout s’est construit ici autour du lieu, en recherchant l’image de personnes ayant vécu au moment de sa construction. Le fait d’imaginer la perte d’un proche à cette époque nous a permis d’illustrer cette période. Même si notre façon de créer ne passe pas par la dénonciation, nous avons parfois envie de faire passer un message. Ainsi, l’œuvre de la rue des Cascades porte sur les paradis fiscaux. C’est le titre qui a permis d’en deviner le sens : Outrage à Gens.
Sir : En peignant dans la rue on sait qu’on a une audience et on trouverait cela dommage qu’une fresque ne contienne ni histoire ni message. Ici, ce dernier restait discret, ce qui fait que certains ont cru que les personnages étaient juifs. Cela est intéressant, car la finalité de cet art n’est pas la fresque terminée, sinon ce moment de dialogue, où l’on pose les pinceaux pour discuter avec ceux qui viennent nous interroger.
A travers ces histoires vous développez une véritable mémoire de l’intime.
Eva : Nous parlons toujours d’anonymes, de petites gens, le plus souvent issus de l’époque de la Commune, des années 30 ou des années 50. Dans une rare exception, nous avons découvert que la galerie où nous exposions avait d’abord été un cabaret. Nous voulions proposer un tableau évoquant le lieu, et c’est ainsi que nous avons intégré Patachou, une chanteuse à l’histoire passionnante qui a fait chanter Jacques Brel et a permis à Georges Brassens de débuter.
Certaines œuvres font ainsi référence à des époques particulières, comme l’entre-deux-guerres.
Eva : J’adore la peinture historique, les scènes de genre. Pourquoi à l’heure actuelle en Art contemporain ne travaille-t-on plus l’histoire ? Au cours des siècles précédents, elle occupait une des plus grandes places avec le portrait et la peinture religieuse. J’ai l’impression qu’avec nos tableaux qui traitent du XXème nous réalisons à notre petite échelle de la peinture d’histoire pour la remettre en lumière.
RECUPERER LA RUE
Vous récupérez des matériaux bruts de la rue. Comment les exploitez-vous ?
Sir : Il est très rare qu’on prenne simplement un élément pour peindre dessus. A chaque fois on casse pour reconstituer de nouveaux assemblages. Cela a commencé à Montreuil, alors que nous cherchions parfois pour nous de vieux meubles parmi les encombrants de Vincennes. Il y a là une forme de nostalgie de ces objets avec lesquels une personne a dû vivre pendant des années qui sont maintenant dehors, comme les vieilles portes en bois de chez nos grands-mères. Un moment est passé, que nous assemblons avec d’autres éléments pour reconstituer une mémoire à partir de celle, fragmentée, de cette multitude de souvenirs.
Eva : Dès lors, nous avons arrêté de travailler sur toile car cela était devenu impossible. Garder cette mémoire de l’objet est une démarche proche de celle de l’album photo : on aime regarder ce qui s’est passé avant. Je n’arrive pas à travailler sur une toile blanche aseptisée. Plus un mur est dégradé et vieux, plus il a de vécu et plus on souhaite l’investir.
Sir : En Indonésie, quelqu’un nous avait demandé de peindre un mur magnifique car tout abimé. Pendant qu’on travaillait, lui était en train de le passer une couche de blanc pour qu’on intervienne par-dessus. Il ne comprenait pas notre démarche. Or, ce sont ces effets du temps sur les murs qui nous plaisent.
Eva : Repeindre en blanc, ce serait enlever au lieu son histoire. Or, nous voulons laisser parler la matière.
Sir : On construit un fond à partir de ces éléments de bois venus d’un peu partout. Chaque bois représente une mémoire. On peint un visage dessus. Si on enlève un morceau – un souvenir – l’image ne sera plus entière, comme une identité composée de tous ces morceaux de bois qui deviendrait bancale si on perdait un. Je crois qu’on aime la mémoire, le souvenir, ce qu’il ne faut pas oublier.
Eva : Dans l’Art, il faut distinguer le support, la forme ou la couleur, mais ici il ne s’agit pas que de supports. Il faut donner une nouvelle vie à l’objet, penser à la vie qui pouvait se construire autour. Le matériau est une base d’où va naître un travail d’imagination. Le morcellement permet quant à lui de lui donner une nouvelle histoire.
Cette mémoire fragmentée passe donc aussi par l’objet.
Eva : Il y a une explosion de la forme, une dématérialisation, une décontextualisation : le renouveau passe ainsi par le fait de prendre un morceau de tiroir, de placard, d’un personnage. Une nouvelle vie vient de cette transformation, car si l’on ne fait que réutiliser la création n’aura pas d’intérêt.
Sir : On suit vraiment l’expression : « Rien ne se perd, tout se transforme ». Dès qu’on découpe un bois on garde les morceaux restants dans une boite, parfois pendant cinq ans ou trois déménagements avant de savoir comment les utiliser, car on ne parvient pas à les jeter.
Récupérer, c’est aussi ne pas produire davantage.
Sir : Par la récupération, il y a aussi l’idée de faire avec ce qu’on a déjà. Il y a beaucoup trop de choses sur notre planète donc, plutôt que monter encore le tas d’objets, autant fouiller et utiliser ce que l’on a pour reconstruire, dans une logique de décroissance. Ainsi, on se rend rarement dans les magasins de beaux-arts, réutilisant des pots déjà entamés pour une façade. Beaucoup de gens ont besoin d’acheter pour se sentir heureux, se sentir exister. Nous c’est quand on trouve quelque chose.
Eva : Nous consommons et achetons très peu et nos tableaux sont pareils. C’est une évidence pour nous de réutiliser au lieu de jeter. Nous sommes très heureux le jour des encombrants, ou quand on trouve un rouleau de papier peint qui a trente ou quarante ans. Nous sommes aussi liés par ce rapport à la trouvaille et au matériau récupéré.
SUR L’ART URBAIN
En quoi la rue est-elle un espace de création particulier ?
Eva : Elle offre surtout une accessibilité. Avec la COVID aucun lieu de culture n’est ouvert et, s’il y a un endroit ou l’art peut survivre, c’est dans la rue. Les murs permettent ainsi de dire et montrer des choses, de faire rêver les gens, ou de les aider à s’évader.
Sir : C’est ce qu’on dit : « Murs blancs, peuple muet. » Il est important d’y peindre, car ce sont des surfaces, des feuilles blanches. Un mur abimé est plus inspirant, car repeint en blanc il voit une partie de sa mémoire effacée. La rue est un lieu de mémoire et d’histoire, notamment à travers les noms des rues, des statues ou des monuments.
Eva : Aujourd’hui, notre pratique illégale passe par le collage, et le légal par la peinture. Une fresque autorisée nous permet de passer des heures sur un même mur, tout en conservant notre medium de base, même si l’on utilisera des effets de déchirure pouvant s’apparenter visuellement à du collage.
Quel est votre rapport à la photographie ?
Eva : C’est d’abord le lieu qui nous plaît. On ne réfléchit pas à la photographie ou au cadrage que l’on pourra faire ensuite. Ce n’est pas une réflexion qui nous accompagne lorsque l’on pense à nos fresques.
Sir : Notre cible est le passant plus que l’internaute ou le photographe. Notre idée au départ est d’interpeller les gens. La photographie ne nous intéresse pas et, après avoir peint, on a envie de repartir. Ce travail sur les réseaux sociaux est lourd pour nous, on ne le fait que parce qu’il le faut. Mais si l’on pouvait s’en affranchir on arrêterait tout de suite.
Les réseaux sociaux ont entraîné une multiplication des échelles de reconnaissance.
Sir : Quand on a commencé à Paris, Facebook n’était qu’à ses débuts et l’on pouvait facilement connaître tout le monde. Maintenant qu’il est possible de voir ce qu’il se passe dans les autres pays, cela a créé de nouvelles façons de montrer son travail, élargissant le champ d’intervention. Mais ce qui m’intéressait au départ avec le Graffiti et le Street art, c’était de proposer une image à quelqu’un sur son chemin de travail, pour l’interpeller, le faire réfléchir ou faire passer un message, alors qu’autrement il n’y aurait pas eu accès. Cela questionne pourquoi on crée dans la rue.
Eva : Le street artiste qui commence maintenant a son Insta, son pinceau et sa peinture. La rue offre à certains un espace de promotion, ce qui fait que c’est toujours bien d’aller y peindre. Il y a aussi les artistes 2.0 qui ne diffusent leur travail que par l’écran de téléphone. La notoriété aujourd’hui se construit via les likes et la rue se limite maintenant à Instagram. C’est un changement de mentalité.
Sir : Cela a beaucoup changé avec Internet. Au départ, il fallait aller dans la rue pour que les gens puissent t’y découvrir. Mais aujourd’hui, il est possible de réaliser des fresques magnifiques dans des endroits inaccessibles, tout en pouvant les partager. On dit parfois qu’il vaut mieux être bon communicant et mauvais artiste que l’inverse. C’est pour cela que certains assimilent le Street art à la publicité.
Le Street art est-il selon vous un courant artistique ?
Sir : Cette question est compliquée car tout le monde n’a pas la même définition du mot Street art. Nous aimons bien dire qu’on fait de l’Art urbain, qui englobe les arts de rue au-delà de la peinture. De plus, le Street art regroupe selon moi une multitude de courants, du Cubisme aux œuvres plus réalistes, ce qui en ferait davantage un medium. Cette étiquette met en avant le fait de travailler dans la rue au détriment de la qualité de ce qui est proposé. Je préfère l’idée de disciplines mêlées, et la possibilité pour des gens qui ne créaient dans la rue de venir y placer des pièces magnifiques, sans nécessairement faire usage de la bombe.
Eva : Nous sommes plasticiens et réalisons des fresques et des installations. Cela fait partie de l’Art contemporain. A l’heure actuelle, ce qu’on voit dans les galeries d’Art urbain me fait penser à un courant artistique dans l’air du temps, comme le Pop art. On pourrait presque parler de mode. S’il possède différentes branches, sa particularité est d’amener ses acteurs à jouer sur différents supports, à la fois en atelier et dans la rue.
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Photographies: EvazéSir
Vous pouvez retrouver EvazéSir sur Facebook, Instagram et sur leur site internet.
Entretien enregistré en février 2021.
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