Djalouz

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Faire de nos travers des trophées

Ceci est une introduction : saint oma street art.

“J’ai toujours voulu un perso. J’ai eu un rat pendant un moment, mais c’est un animal déjà associé à Blek ou à Banksy. Or le pigeon n’a pas été vraiment récupéré par les graffeurs alors qu’il pourrait leur être comparé, car comme le rat il se distingue par son caractère invasif, le fait qu’il dégrade et qu’il revienne toujours.”

DE L’ABSTRACTION A LA FIGURATION

Comment es-tu devenu artiste ? Quand as-tu commencé dans la rue ?

J’ai suivi une formation en école d’Art au lycée début 2000, et commencé le graffiti à la même époque dans un terrain vague du XXème arrondissement, rue de l’hermitage. Comme je n’étais pas très doué pour faire les lettrages, je me suis orienté vers le dessin de personnages sombres, encapuchés. Je voulais prendre mon temps en travaillant dans des terrains, des friches, mais j’aimais beaucoup les actions dans la rue, également les supports roulants, les bords d’autoroutes et de voies ferrées. J’ai ensuite arrêté le tag, car cela ne m’attirait plus. Je voulais vivre de ma peinture, or ce n’étaient pas les actions vandales qui allaient me faire gagner ma vie.

Ton travail est parcouru par plusieurs évolutions, oscillant au fil du temps entre des œuvres figuratives et des motifs abstraits.

J’ai du mal à faire tout le temps la même chose. A certains moments j’ai préféré le personnage car j’apprenais le dessin. A d’autres, j’ai réalisé en friches des lettrages en volume avec effets de lumière. J’ai du mal à aller sur Google pour chercher une référence à dessiner, je préfère qu’il y ait une dimension spontanée. 2013 a été pour moi une année de déclic, à cause du décès de ma grand-mère dont j’étais très proche et à qui je dois beaucoup, car elle m’encourageait et valorisait mon travail. Quand elle est morte, j’ai eu une période sombre dont sont issus ces lettrages abstraits, nés du besoin de lâcher la forme, de dire davantage. Pendant plusieurs années j’ai travaillé ce style, sorte de trompe-l’œil, mais en le maîtrisant davantage j’ai fini par m’ennuyer, c’est pourquoi je suis revenu sur des choses plus figuratives à partir de 2016. J’ai alors débuté ma série “Je d’enfants, dessine-moi en mouton” avec une pote (Doudou Style). Nous voulions parler des enfants soldats et nous nous sommes demandés comment faire une toile sur ce thème, parler de choses dures sans que cela soit trop lourd pour les gens. Cela m’a permis de travailler un trait plus spontané et enfantin, loin de ma formation en peinture académique. J’étais en pleine phase de transition lors de mon exposition à la Babs galerie et de mon passage au M.U.R. Oberkampf. Beaucoup n’ont pas compris cette évolution, car je crois que la majorité des gens n’aiment pas le changement. Comme je suis toujours en train de me remettre en question, cela n’a pas été évident. Quand quelque chose commence à fonctionner, comme par exemple lorsque je peignais sur des cabines téléphoniques, je pense que je ne parviendrais pas à le contrôler et à être rigoureux, du coup j’ai tendance à passer à autre chose. Cette bipolarité entre l’abstrait et le figuratif marque une volonté de dire ce que je veux, indépendamment de ce qu’en pense les autres. Désormais, je pense qu’il serait intéressant de tout réunir.

Pourquoi le basculement vers la figuration est-il important pour toi aujourd’hui ?

Le figuratif me permet de dire plus de choses. Nous avons un statut important en tant qu’artistes visuels ; quand j’écoute de la musique ou lis un livre j’aime que l’on me parle. En imposant mon travail aux gens, il était évident pour moi qu’une interaction était nécessaire, que je devais donner un sens à mes créations. Il faut qu’ils puissent y réfléchir, avoir une réaction positive ou négative. Je me sers d’une accroche visuelle, élément de communication qui permet d’attirer les gens de loin pour les pousser à s’approcher et avoir une seconde lecture. Il y a aussi des détails cachés, des références à ma culture, à mon vécu. Je n’ai pas la prétention de porter un message, mais je ne vois pas l’intérêt de faire des portraits stériles sans sens. Quand je fais des ateliers avec des enfants, ils me posent beaucoup de questions, cela me fait beaucoup réfléchir. On a tendance à passer à côté de beaucoup de choses aujourd’hui, car nos informations sont très filtrées et ciblées. Peindre dans la rue, c’est imposer un regard. Un passant m’a dit un jour : « Ce n’est pas que j’aime ou non ce que vous faites, mais pourquoi nous l’imposez-vous ? » Je comprends tout à fait cette réaction, mais n’ai-je pas moi aussi le droit de m’exprimer, même si c’est illégalement ?

Il y a une grande corrélation entre ta vie personnelle et ton parcours artistique.

Mes parcours personnels et artistiques se construisent en parallèle et sont remplis de coïncidences. Cela se voit dans mon travail. Mieux je me sens dans ma vie personnelle, moins j’ai envie de produire. Avec la naissance de mon fils il y a un an et demi j’ai eu une prise de conscience, me demandant ce que j’avais envie de lui offrir dans le futur. J’avais envie d’être plus artiste, mais de sortir de ce prisme qui lie Graffiti et bombe de peinture. Je me suis remis à peindre, retrouvant mes bases. Tout cela témoigne d’ une volonté de me reprendre en main, de ne plus être un électron libre. J’essaie d’avoir plus de rigueur, d’aller plus souvent à l’atelier, tout en continuant à faire ce qu’il me plaît. Avoir un enfant a pour moi été un révélateur, m’offrant un objectif de vie concret et me poussant à finaliser ce que j’avais en tête pour aller au bout de mes projets. Garder le fun et la spontanéité tout en s’imposant d’aller peindre même lorsque j’en ai moins envie.

REFLEXION SUR LE VOLUME ET LA DECONSTRUCTION

Des graffitis 3D à la sculpture, le volume est chez toi l’objet d’une réflexion constante.

J’ai toujours vu mon père travailler sur des plans d’archi, à plat ou sur ordinateur. Le travail sur la perspective, le volume, les ombres et les lumières a toujours été mon point fort. Donner vie à une forme plate revient pour moi à faire exister mon travail. C’est pour cela qu’en découvrant un jour alors qu’il pleuvait une cabine téléphonique, j’ai pensé qu’il pouvait être cool d’y placer une 3D. Grâce à elles j’ai pu matérialiser ma peinture, alors que jusqu’ici j’ajoutais des ombres portées pour créer du relief. J’ai ainsi peint près de vingt-cinq cabines. Malheureusement, c’était l’année où elles commençaient à être retirées de la rue, ce qui m’a empêché de poursuivre. Parfois elles étaient enlevées une semaine après mon passage. C’est devenu une référence dans mon parcours, car j’utilisais un support urbain d’une manière différente qu’en le taguant. Chercher la difficulté est pour moi un challenge, d’où ces travaux sur plusieurs angles ou différents plans. Auparavant je jouais avec cette illusion d’optique à travers les graffitis 3D, mais maintenant j’essaie de peindre dans les angles de mur, pour renforcer une impression d’anamorphose. J’ai commencé à travailler l’angle entre le mur et le sol, maintenant c’est l’angle fermé qu’il y a entre deux murs. Je commence aussi à découper du bois pour aller le coller dans la rue, travaillant la sculpture et l’impression 3D avec mon beau-frère. Même si je n’apprécie pas beaucoup le collage, la démarche m’intéresse car elle me permet de développer mon personnage Pigecam et de travailler sur des éléments rigides et pérennes. Cela permet d’interagir avec le décor.

A travers tes œuvres en 3D tu as très vite recherché la déconstruction, une dimension calligraphique. 

Au tout début il n’y avait pas vraiment de lettres, sinon l’idée de formes, de composition visuelle. Mais j’avais cette volonté propre au Graffiti d’aboutir à un lettrage, et c’est pour cela que je me suis recentré petit à petit pour parfaire ma technique, partant de motifs complètement abstraits dont un qui évoquait un z pour les transformer progressivement en lettres, dans une sorte de régression. J’aime bien ce mouvement car même si je le dis abstrait (car non-figuratif), il signifie quelque chose à travers le volume ou un élément qui ressort. En domptant ce lettrage, il m’a moins plu. En effet, c’est tenir quelque chose de brut qui devient de moins en moins intéressant à mesure qu’il évolue.

Quelle place occupe le mouvement dans ton travail ?

A un moment j’avais besoin d’exprimer cette spontanéité, ce mouvement non-cadré. Puis il y a eu une transition qui a correspondu à un changement d’état d’esprit dans ma vie. Le moment où j’arrête la 3D correspond à celui où je rencontre ma femme, m’éloignant des terrains et des friches pour me concentrer sur autre chose. Lorsque je m’y suis remis j’avais une nouvelle vision, ayant passé beaucoup de temps à peindre des commandes ou dans des ateliers. J’ai envie de dire des choses plus concrètes que lorsque j’arrivais avec mes lettrages 3D, sans cadre ni règles, pour les jeter sur le mur. Pour moi ils formaient une sorte de musique visuelle, les formes s’enchaînant de la même façon qu’une note découle de la précédente. Cela se construisait progressivement, même s’il était toujours possible de retrouver des formes générales. Tout en me servant des murs j’essayais d’en sortir au maximum, de ne pas avoir de fond car cela fonctionnait moins avec la 3D.

TROPHÉES CONTEMPORAINS

Ta série de personnages prend visuellement l’allure d’un trophée, des œuvres plus figées dans la forme mais qui mettent en avant des sujets qui t’importent autour de problématiques actuelles.

Il y a déjà l’aspect figé d’une forme placée à un endroit précis, qui s’apparente à un trompe-l’œil. J’aime ces sculptures que je place dans un angle de rue, jouant sur le code couleur qui évoque une patine dorée ou un bronze brut. Dans la continuité de ma peinture abstraite, je travaille les effets d’ombre portée et de lumière qui font « sortir » la pièce du mur et donnent une impression de volume.

Avec Pigecam tu travailles autour d’un personnage.

J’ai toujours voulu un perso. J’ai eu un rat pendant un moment, mais c’est un animal déjà associé à Blek ou à Banksy. Or le pigeon n’a pas été vraiment récupéré par les graffeurs alors qu’il pourrait leur être comparé, car comme le rat il se distingue par son caractère invasif, le fait qu’il dégrade et qu’il revienne toujours. J’ai repris un pigeon que j’avais fait il y a huit ans sur toile. C’est une petite facette de mon travail, mais si je peux avoir un personnage récurrent cela me permettra de lui faire porter un discours, comme en ce moment sur la loi de sécurité globale. Les coller en hauteur dans la rue peut également apporter une autre dimension : avec une bonne colle et du vernis, peut-être que cinq ou dix ans après la pièce pourra encore être là, si toutefois elle n’est pas volée, car ça arrive souvent malheureusement.

Les thèmes sociétaux que tu traites renvoient également à des choses plus concrètes.

Je suis moins dans le sous-entendu qu’auparavant. Comme les gens passent, il y a un besoin d’aller plus vite à l’essentiel du message. Pour Marianne on ne voit pas du premier coup d’œil le cocard, le flashball ou les points de suture. Et ainsi elle peut peut-être interpeller le regard tout en gardant une discrétion dans le symbolisme. Trump est un personnage qui m’a fait beaucoup réfléchir sur l’absurdité du monde, c’est pour cela que j’ai peint plusieurs pièces sur lui. J’avais représenté sur une toile une bouche et une perruque et les gens savaient directement de qui il s’agissait. Cela vient d’une volonté d’être compris par le plus de monde le plus rapidement possible, de conserver la spontanéité de la rue alors que sur toile j’aurais plus le temps de développer le message.

PEINDRE DANS LA RUE

En quoi la rue est-elle un espace de création particulier ?

Je crée dans la rue parce que j’en suis amoureux. Au même titre que pour une publicité, elle offre une visibilité et la possibilité d’une interaction qui me permet de développer mon travail d’artiste. J’apprécie le fait qu’il y ait un public, de pouvoir échanger, avoir les retours de personnes qui viennent me remercier. Peu importe qu’ils aiment ou pas le résultat, même si je préfère qu’ils y adhèrent, car c’est un travail que je fais pour moi et pour avoir une interaction. En terrain ou en friche ce sera davantage la tranquillité ou un cadre offrant une bonne image.

Penses-tu que le fait de prendre ton temps influe sur le style ? Il n’y aurait pas ici une esthétique de l’urgence propre au fait de risquer d’être pris.

Je pars du principe que si je peins Marianne sur un spot, je prends pendant trois heures le risque de me faire arrêter, même si je suis souvent accompagné par un pote qui fait du collage et filme également. Il faut apprendre à gérer cette pression et cela nécessite une phase de relaxation préalable. Je connais cette adrénaline depuis longtemps et à une époque cela aurait été stupide de s’en vanter sur les réseaux sociaux. Cela choque moins à Paris en 2021, car les gens sont plus habitués à voir des personnes peindre. Cela a beaucoup changé : s’ils s’offusquent, d’autres prendront ta défense. La brigade anti-tag semble aussi plus détendue : ils ont parfois nettoyé autour de certaines de mes pièces. Ils font le tri de ce qu’ils conservent ou effacent. C’est à notre avantage car cela permet de s’autoriser des peintures plus tranquilles si l’on passe le cap de la pression et de l’adrénaline qui peuvent faire perdre ses moyens. Cependant on n’est jamais tranquille lors d’une session vandale. On reste dans une démarche qui se fait sans autorisation. Mais je prends mon temps, espérant que ça se passe bien ; j’appelle ça le vandale sandale : je choisis comme lieu un quartier beaucoup peint, un mur assez abîmé. Je considère que le calcul entre ce que je propose et ce que je risque vaut le coup. Néanmoins, je peux comprendre que certains adaptent leur style au moment car dans le graffiti d’origine il fallait agir vite. Aujourd’hui si la police me voit avec mes bombes, mon masque et mon échelle, ils vont d’abord se demander si j’ai une autorisation avant de penser que je suis en train de taguer. L’objectif est de créer un doute sur la légalité de l’action : une technique consiste ainsi à aller peindre des stores le dimanche matin, en posant des bâches au sol, les bombes en évidence. En s’installant comme pour un chantier on crée une illusion et sème le doute.

Quel regard portes-tu sur l’aspect éphémère de l’Art urbain ? 

Cette dimension éphémère est subjective. Ce n’est pas parce qu’il y a un tag dehors qu’il sera repeint le lendemain, ou parce qu’il est dans la rue qu’un autre a le droit de repeindre par-dessus. Une pièce peut durer une semaine comme deux ans. C’est un peu lourd d’entendre à chaque fois qu’il s’agit d’un art éphémère, parce que cela ne devrait pas forcément être une évidence. La ville pourrait ne pas tout nettoyer, et même si les gens n’aiment pas forcément tout, dans certains quartiers cela fait partie du décor depuis tellement d’années que c’est devenu une sorte de muralisme. Tout n’est pas une action dégradante qu’il faut forcément enlever. Ces pigeons vont me permettre d’entretenir un rapport différent au vandale, de pouvoir placer plusieurs pièces en quelques heures, quadrillant plus facilement un quartier donné. C’est différent de ma formation de graffeur : il n’y a pas l’action directe de la friche, de la fresque ou de la rue, faite avec les moyens du bord et les aléas du moment. Pourtant, une colle extra-forte sur une façade d’immeuble est sans doute plus dégradante qu’un tag qui peut être repeint facilement, notamment au moment d’un ravalement de façade. De plus, avec Invader certaines de ses pièces font désormais partie du patrimoine : c’est pour cela qu’il y a toujours des collages à côté, car il y a moins de risques qu’ils soient repeints ou enlevés. Mais pour ma part, j’ai envie de trouver des endroits plus discrets.

SUR L’ART URBAIN ET SON PUBLIC

Quel regard as-tu sur les réseaux sociaux ?

Poster sur Instagram me fatigue, je ne suis pas né avec et fais partie d’une des dernières générations qui a vu les choses apparaître pendant qu’elle grandissait. Être en relation direct avec son public est un rêve : je ne crache pas sur les galeries mais ce sont espaces élitistes. Alors qu’être capable de créer sa propre audience, de trouver des gens à qui ça plaît, offre davantage de liberté. Cette quête est pourtant paradoxale car on s’enferme alors au sein d’un réseau dont on va dépendre. C’est un tracas quotidien car on a envie que ça fonctionne, tout en sachant que ce n’est pas le plus important. Tout le monde ne peut pas réussir et pourtant si je ne le fais pas je ne suis personne et disparaît rapidement. Nous sommes devenus des artistes 2.0 qui doivent s’adapter à un ordre du jour, qui se retrouve en plus bouleversé en période de virus, car il est impossible de faire des actions visibles pendant le confinement. Être dans la rue pour un artiste de nos jours est indispensable et il peut être compliqué d’évoluer comme on le souhaite sans se trouver influencer par l’audience ou le like. Je sais que cela n’influence pas ma création mais c’est certain que ça affecte ma démarche. Prendre des photos, filmer, recadrer : sans tout cela, on serait beaucoup plus serein pour peindre.

Quel rapport as-tu avec le public ?

Je remercie tous les gens qui suivent ce mouvement, car ce sont eux qui nous font exister à travers les photos et les publications. Je trouve cool cet échange qui prouve qu’il ne s’agit pas juste d’une chose qu’on fait chez soi pour ses proches. Je pense souvent au public potentiel, car en friche personne ne voit le résultat sauf moi, les amateurs et ceux qui verront la photo que je publie. J’ai envie de trouver autre chose maintenant, imposer ma pièce et interagir avec les passants. Créer dans la rue, c’est agir dans l’attente d’un retour.

L’Art urbain est-il selon toi un courant artistique ? As-tu l’impression d’en faire partie ?

Je considère clairement que c’est un courant artistique mais il y a tant de styles que cela reste un terme trop générique : c’est principalement la manière d’exposer son travail ou de le réaliser qui a changé. Pour ma part je me considère autant street artiste que graffeur. Un graffeur tag dans la rue, donc peu importe ce qu’il fait il s’agit de Street art car c’est la rue qui est à la fois support et lieu d’expression. Mon parcours a jusqu’ici tourné principalement autour du Graffiti et de la bombe de peinture, qu’il s’agisse de 3D ou de personnages, l’action sera la même. Je sais faire la part des choses entre ce que les gens appellent d’un côté Street art et de l’autre Graffiti mais je fais partie de ceux qui trouvent cela dommage. Le lettrage est lui-même un champ si vaste qu’il est difficile de vouloir le borner. Pour moi le Graffiti est donc du Street art, pour autant cela ne veut pas dire qu’un graff est identique à un pochoir. Le Graffiti est l’un des multiples mouvements composant le Street art mais le Street art n’est pas un mouvement car il va exponentiellement, avec chaque fois de nouveaux styles, de ceux utilisant des matériaux recyclés à ceux qui détruisent le mur, ayant pour seul point commun le fait d’être visible de la rue.

Historiquement, c’est grâce au Graffiti que le Street art a pu prendre cette dimension, car il porte d’abord cet aspect rebelle et illégal. C’est ce qui permet aux gens aujourd’hui d’arriver avec leurs pochoirs en pleine journée. Sans les graffeurs cet engouement ne serait pas possible : et même si l’on parle plus de la multitude de styles, les tags vandales sont toujours aussi présents. L’un ne pourrait pas exister sans l’autre. Le tag est devenu un point de comparaison, mais cela ne veut rien dire. Parfois les artistes ne se demandent pas ce qu’il y a en-dessous de leur pochoir ou de leur collage, c’est quelque chose qui ne se fait pas dans le milieu du Graffiti, on appelle ça le Toy et c’est très mal vu. Alors que c’est la même démarche, les pochoirs ont tendance à rester alors que les graffitis sont toujours effacés.

Quelle est pour toi l’importance du crew ?

J’ai trois crews dont un aux Etats-Unis. Ceux de Marseille et de Paris représentent des histoires de vie géniales. A l’époque où j’étais encore un électron libre, cela m’a permis d’être entouré de gens bien, d’aller dans des festivals ensemble. C’est cela qui me manque un peu dans ma démarche actuelle. On peut peindre ensemble mais à côté, ma démarche est un peu plus personnelle. Le crew est hyper important car il donne un objectif et permet à plusieurs d’avancer plus loin, d’atténuer les visions et les egos qui se confrontent parfois en tant qu’artistes. Pour moi le crew a une valeur familiale très forte.  Avec ceux que je connais nous sommes encore comme les doigts de la main, à partir encore sur des projets ensemble, comme en Guyane avec Caligr et Onepesca. C’est l’une des valeurs que je préfère dans l’esprit graffiti et qui s’est perdue avec l’évolution de ce courant : on ne voyait jamais avant des gens seuls peindre de si grandes fresques. C’est d’ailleurs à cela que l’on reconnaît ceux issus de la culture Graffiti car ce sont souvent ceux qui vont ramener leurs potes, qui sont capables de partager la gloire. La fresque entre copains a, d’une certaine façon, été remplacée par la façade de l’artiste-star. Pour ma part, je sais que j’ai besoin d’être entouré, car quelqu’un qui n’aura pas les mêmes limites que moi pourra m’aider. Mais ce n’est pas du tout la mentalité générale du mouvement qui est en train de prendre forme, même si bien sûr je serais vraiment heureux de réaliser un jour une fresque monumentale seul, pour le challenge plus que pour la gloire.

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Photographies: Djalouz

Vous pouvez retrouver Djalouz sur Facebook et Instagram.

Entretien enregistré en février 2021.

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